Danilo Kiš, un des plus grands écrivains du xxe siècle, reste encore inconnu du grand public. Ce numéro, qui lui est entièrement consacré, est un effort pour réparer, autant que possible, l'injustice et pour faire résonner une voix unique.
L'oeuvre de Danilo Kiš est considérable. Romancier, essayiste, traducteur, familier de toutes les grandes traditions littéraires allant de l'Atlantique à l'Oural, il est peut-être le dernier grand esprit universel dont peut se réclamer encore l'Europe. Toute son oeuvre tourne autour de deux expériences majeures de sa vie : le nazisme et les régimes communistes. Le nazisme, parce que son père juif a disparu à Auschwitz. Les régimes communistes, parce que Yougoslave. Cependant son oeuvre n'est ni un témoignage, ni une accusation ex cathedra, ni une analyse politico- idéologique, ni une satire. Mais elle est tout cela à la fois rehaussé, sublimé, métamorphosé par l'art. Ainsi, événements historiques, protagonistes de drames bien réels, bourreaux et victimes perdent leurs contours précis pour devenir des incarnations d'un mal qui ronge la conscience européenne depuis un siècle, d'un mal qu'aucune victoire sur les champs de bataille n'arrivera à dissiper. Peut-on y arriver par l'art ? La voix de Kiš n'est pas celle d'un guide ou d'un prophète. C'est la voix de la création. C'est la voix du beau, la voix qui illumine l'esprit dans le brouillard du monde qui nous entoure. Brouillard de plus en plus épais du fait d'une production littéraire mise au service de la victimisation. Dans ce sens, l'oeuvre de Kiš est actuelle plus que jamais.
Entre autre participants : John Cox, Filip Colovic, Norbert Czarny, Miljenko Jergovic, Aleksandar Kostic, Reynald Lahanque, Jean- Pierre Morel, Eric Nauleau, Lakis Proguidis, Ilma Rakuse, Massimo Rizzante, Joël Roussiez, Christian Salmon, Guy Scarpetta, Mark Thompson, Denis Wetterwald, Katharina Wolf Griesshaber.