Pulg
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Qu'y a-t-il de commun à l'investigation policière, l'histoire de l'art et la médecine ? Une méthodologie et plus encore un même modèle scientifique pourraient-ils opérer de façon transversale dans ces trois domaines ?
L'ouvrage dirigé par Umberto Eco et Thomas A. Sebeok, paru en 1983 aux Presses Universitaires de l'Indiana et dont est proposée ici pour la première fois une traduction française, effectue un rapprochement fructueux de ces différents champs qui partagent le recours à l'enquête, elle-même fondée sur le prélèvement et l'analyse des indices.
Ainsi, la formulation d'hypothèses ancrées dans un raisonnement que Charles Sanders Peirce nommait « abduction » nourrit-elle le spectre très large du paradigme indiciaire fournissant au chercheur des pistes sémiotiques fécondes qu'il aurait tort de ne pas suivre.
Sur les traces de Dupin, Holmes et Peirce, les auteurs des différents textes rassemblés par Umberto Eco et Thomas A. Sebeok s'emparent des questions essentielles qui président à toute recherche, quelle qu'en soit la nature: l'historien de l'art, le médecin et le détective sont avant tout sémioticiens et au-delà, tout chercheur qui appréhende son objet d'étude comme une énigme à résoudre en découvrant et interprétant des indices.
Cet ouvrage propose de confronter l'ensemble des pratiques investigatrices qui mettent en question les méthodes d'observation et d'analyse de l'enquêteur. Ces dernières se manifestent chez tout professionnel du signe, qu'il soit savant ou praticien, soucieux de s'interroger sur leur logique sous-jacente. -
On ne vit pas de la bande dessinée : Trajectoires professionnelles d'auteurs à Angoulême
Sylvain Aquatias
- PULG
- Acme
- 15 Janvier 2024
- 9782875623911
Les albums de bandes dessinées ont envahi les rayons des librairies et les médias annoncent tous les ans des ventes record. Mais qu'en est-il de ceux qui réalisent ces albums? Comment sont-ils devenus auteurs de bande dessinée? Où se sont-ils formés? Vivent-ils de leur art?Si le titre de l'ouvrage laisse peu d'illusion sur la réponse finale à cette dernière question, c'est en suivant quarante-quatre artistes habitant Angoulême ou ses environs, depuis leurs premiers dessins jusqu'à leur carrière actuelle, que l'on pourra comprendre comment se construisent les carrières professionnelles des auteurs de bande dessinée.Arpentant les pavés angoumoisins pendant trois ans, le sociologue et son complice ont essayé de décrypter les logiques de création, de publication et de rétribution des auteurs de bande dessinée, contribuant à la fois à une meilleure compréhension de leurs conditions de vie, mais aussi, plus largement à des questions tenant à la socialisation, aux modes de travail, au fonctionnement des réseaux et à la transformation des statuts des artistes de bande dessinée.
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Punk rock théorie : Despentes et la destruction de l'identité
Louis-thomas Leguerrier
- PULG
- 24 Juillet 2024
- 9782875624130
Ce livre aborde l'omniprésence du punk rock dans les romans de Virginie Despentes afin de montrer comment ceux-ci partent de la représentation du punk en tant que phénomène culturel et genre musical pour aboutir au punk en tant qu'expérience du langage, en tant que manifestation dans le langage de cette expérience que j'appelle la «destruction de l'identité».
Cette transposition d'une expérience musicale sur le langage et la production littéraire est analysée à partir de la figure du chantier littéraire, tirée du livre éponyme de Monique Wittig. Le chantier, cet espace où les choses existent à l'état de matériel pas encore formé, désigne ici une capacité à approcher le langage comme un matériel flexible, malléable, qui permet de déformer ce qui, dans tout discours, se présente comme déjà formé. C'est à partir de cette figure du chantier littéraire qu'est pensée, dans un premier temps, ce qui constitue le fond de la punk rock théorie, à savoir la conception du punk comme langage de la destruction. Le mot «punk», dans le chantier où travaille Despentes, se voit non seulement dépouillé de sa signification conventionnelle, il nomme aussi le projet consistant à envisager chaque chose à l'aune de la destruction du sens qu'on lui assigne habituellement.
Le premier chapitre, «Dans le chantier de Virginie Despentes», explore les affinités entre la production esthétique de Despentes et cette figure du chantier littéraire. Les trois chapitres suivants déclinent ensuite les modalités par lesquelles le punk, chez Despentes, se fait langage de la destruction: la fluidité, la dichotomie et la révélation. Si la modalité de la fluidité met en scène la pacification (toujours provisoire et à refaire) des conflits et le brouillage des catégories identitaires au sein de l'espace utopique et sans contours ouvert temporairement par le punk, la modalité de la dichotomie se réalise dans le déploiement d'une langue où résonnent les sonorités de la lutte de classe et de l'affrontement entre des oppositions tranchées. La modalité de la révélation, qui concerne la réception individuelle et collective du punk comme expérience extrême, manifeste quant à elle l'axe vertical et transhistorique qui permet de propulser les modalités de la dichotomie et de la fluidité sur l'axe horizontal de l'histoire. Dans l'éclair d'une révélation qui fait table rase des identités, le punk tel que le conçoit Despentes donne accès ici et maintenant à une expérience préfigurant un nouveau contrat social, au sein duquel le fait de passer outre les catégories identitaires ne serait plus aveuglement devant la violence du monde, mais jubilation de la fluidité retrouvée dans un monde submergé par la puissance du King Kong de Despentes, qui représente le «chaos d'avant les genres [...], au-delà de la femelle et au-delà du mâle, à la charnière entre l'homme et l'animal, l'adulte et l'enfant, le bon et le méchant, le primitif et le civilisé, le blanc et le noir (Despentes, King Kong théorie, 120-122)». -
Sonnet LV Marbre et monuments n'ont qu'un moment, mes lignes ont charge de l'éternel. Ta place est ici, dans ma lumière, et non dans la pierre que le temps ronge de lichen et salit de poussière. Quand la guerre décapitera les statues, fouillera la maçonnerie, ni le fer ni le feu n'atteindront la mémoire où tu vis. Laissant derrière toi la mort et l'oubli, tu poursuivras ta route; pour ce qu'il reste de vie à ce monde, les bouches et les yeux se rempliront de ta louange. Jusqu'au jour dernier, qui te verra te lever en ta personne, ta vie est ici; ta demeure, le regard des amants.
À chacun son Shakespeare - les pièces sont nombreuses dans la demeure du Père. Je le lis dans la lignée de Catulle et Villon. Je lui vois le meilleur Donne comme successeur. -
La collection «L'Année Sartrienne» prend la relève de la revue du même nom, créée en 1987, comme Bulletin d'information du Groupe d'Études Sartriennes (GES, Paris). Elle propose annuellement une bibliographie des ouvrages et des articles sur et autour de Sartre, des dossiers thématiques sur les différents aspects de son oeuvre, ainsi qu'une rubrique de comptes rendus et de recensions critiques faisant état des publications sartriennes au niveau international. Au-delà d'un état de la recherche universitaire à propos d'une des figures intellectuelles les plus célèbres du XXe siècle, les spécialistes de Sartre et les amateurs de Sartre trouveront dans «L'Année Sartrienne» un grand nombre d'informations sur les résonances médiatiques, culturelles, sociales et politiques de son oeuvre.
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Revue Traces n.28/2024 : Simenon : bilans et perspectives - Actes du colloque en l'honneur du 120e anniversaire de la naissance de Georges Simenon, dans le cadre du festival Le Printemps de Simenon, 8-10 mars 2023
Jean-Louis Dumortier
- PULG
- Revue Traces
- 7 Janvier 2025
- 9782875624239
Printemps 2023. Liège fête le cent-vingtième anniversaire de la naissance de Simenon et l'Université s'associe aux festivités en organisant, sous la direction du professeur Benoît Denis, un colloque consacré à l'actualité d'un des romanciers majeurs du XXe siècle.
Simenon a cessé d'écrire de la fiction à l'époque où s'opérait une mutation culturelle de grande ampleur, dont les manifestations affleurent dans ses derniers romans, mais la plupart de ses histoires sont imprégnées par un esprit du temps aujourd'hui révolu. Cependant l'intérêt pour son oeuvre faiblit beaucoup moins que celui que l'on prête à bon nombre de ses illustres contemporains.
Cela tient, bien sûr, à un art de raconter de plus en plus dépouillé, concentré et tendu, propre à plaire à un lectorat friand d'une narration sans «graisse», elliptique, marquée au coin de la fatalité et laissant au lecteur une grande marge d'interprétation. Simenon a laissé une discrète descendance littéraire, mais ses émules ont le soin d'éviter que sa statue leur fasse trop d'ombre. La pérennité de son succès tient notamment à la célébrité du personnage du commissaire Maigret, très vite associé à la personne de son créateur, mais l'intérêt va grandissant pour la part de l'oeuvre - quantitativement la plus importante - qui ne relève pas de la littérature «de genre».
L'actualité de Simenon tient aussi aux traductions et aux adaptations de ses romans dans maints pays et sous diverses formes artistiques, auxquelles s'ajoutent aujourd'hui des entreprises inédites de promotion muséographique: de très nombreux «passeurs» contemporains, moins soucieux d'une fidélité à la lettre des histoires que d'un rendu d'atmosphère ou de mentalité, trouvent dans la fiction simenonienne une source d'inspiration qui ne semble pas près de tarir. -
Nellie Campobello : Las verdades de una subalternista
Kristine Vanden Berghe
- PULG
- 27 Mars 2025
- 9782875624406
Longtemps oubliée, l'écrivaine Nellie Campobello (1900-1986) connaît aujourd'hui une importante revalorisation et les lecteurs redécouvrent avec fascination la voix d'une petite fille qui raconte avec candeur les horreurs de la Révolution mexicaine dont elle est témoin. Derrière cette voix enfantine se profile une autre, plus discrète : celle d'une narratrice adulte, qui semble se confondre avec l'autrice elle-même.
La présente étude de Cartucho (1931) et Las manos de mamá (1937), centrée sur le style et les affects, démontre que cette deuxième voix est anti-hégémonique et subalterniste. Elle remet en question l'idée selon laquelle Campobello écrirait de façon spontanée et que sa narratrice adopterait un regard détaché, révélant au contraire une profondeur émotionnelle ancrée dans le vécu populaire. -
Glorieuses modernistes : Art, écriture et modernité au féminin
Mary Ann Caws, Anne Reynes-delobel
- PULG
- 26 Janvier 2016
- 9782875620811
Cet ouvrage présente neuf artistes et écrivaines modernistes, connues ou moins connues, dans leur attitude de modernité: Judith Gautier, Dorothy Bussy, Suzanne Valadon, Emily Carr, Paula Modersohn-Becker, Dora Carrington, Isadora Duncan, Claude Cahun et Kay Boyle. Ces créatrices sont ici envisagées dans leur mode d'être historique, ce qui revient de fait à les détacher d'une pensée dualiste de l'altérité pour les resituer dans leur rapport de collaboration avec la réalité et l'actualité de leur temps.
Or l'un des « lieux » où leur travail de création déploie sa dimension interactive et mobile est, quelque peu paradoxalement peut-être, la relation à l'écriture de soi, à divers degrés de l'intime. Pour toutes, en effet, ce mode d'écriture s'avère un médium décisif dans l'acte d'élaboration de soi-même et du présent à partir des virtualités et des potentialités du présent.
Un large choix d'extraits de lettres, journaux ou autres écrits autobiographiques, pour la plupart inédits ou proposés dans de nouvelles traductions, permet d'approcher au plus près ce processus qui participe d'une recherche sans concession et requiert une faculté à se mouvoir de manière labile entre regard de l'autre et perception de soi.
Plus proche de l'expérimentation que de l'expérience, l'écriture s'appréhende en premier lieu comme la recherche d'une vérité dont le texte ou le tableau (ou la photographie, ou la danse) ne sont que des incarnations toujours en devenir. Dans la perspective choisie par cet ouvrage, elle est aussi le moteur privilégié d'une exploration à la fois transnationale et plurielle d'un imaginaire du modernisme et de la modernité au féminin. -
Le Thriller métaphysique : d'Edgar Allan Poe à nos jours
Dechene Antoine
- PULG
- 12 Juillet 2016
- 9782875621054
Ce livre s'attache à décrire un avatar singulier du roman policier d'Edgar Allan Poe à nos jours. Il en illustre la capacité d'intégrer des enjeux et considérations qui dépassent les méthodes et ambitions traditionnelles de la littérature policière eu égard, d'une part, à sa diversité et sa complexité formelle et culturelle, et, d'autre part, à l'extrême richesse de son réseau intertextuel. En envisageant un large corpus de textes littéraires, filmiques, théoriques ou encore philosophiques, cet ouvrage considère le développement du genre dans sa continuité et dans ses ruptures selon une perspective transmédiale et transdisciplinaire.
Cette dernière semble particulièrement adaptée à l'étude d'un objet qui prend sa source dans la circulation et l'interpénétration des discours littéraire, esthétique et scientifique qui caractérisent les écrits de Poe, de ses premiers contes et nouvelles à Eurêka, oeuvre ultime située aux confins de l'essai philosophique, du poème en prose et du traité cosmologique.
Cette promiscuité générique et discursive fait du « thriller métaphysique » un champ de recherche transdisciplinaire par excellence. Comme son nom le laisse entendre, ce paragenre de la fiction policière apparaît comme un objet duel tiraillé entre le réel et l'idéel, le monde sensible et les espaces transcendantaux. Les textes réunis ici démontrent par ailleurs que le thriller métaphysique est ancré autant dans la représentation que dans la critique de la représentation: il pratique le plus souvent une approche autoréflexive tout en s'inscrivant dans un champ référentiel très vaste. À cet égard, ce livre n'a d'autre ambition que d'éclairer la généalogie complexe du thriller métaphysique et d'en élucider quelques cas exemplaires de la diversité des pratiques de création et de réception d'un genre aspirant au mystère de l'irrésolu et de l'inexplicable. -
Les groupes littéraires sont portés par le projet d'une « oeuvre commune », selon le mot de Sainte-Beuve. Instance majeure de l'institution littéraire, ils constituent un objet privilégié pour l'histoire de la littérature et, en particulier, pour celle qui se construit avec les outils de la sociologie. Se pencher sur leurs mécanismes de constitution et ce qui conduit à leur dissolution, leurs rites et leurs croyances, leurs forces de cohésion et la manière dont ils se donnent à voir publiquement, c'est se donner les moyens de comprendre la façon dont la littérature se vit à une époque donnée.
Les auteurs rassemblés ici se sont donné pour objectif d'examiner à nouveaux frais la sociologie mais aussi la poétique des groupes littéraires. Des cénacles romantiques aux réseaux moins denses de l'époque contemporaine - en passant par les groupuscules fin de siècle, les cohortes surréalistes et certaines configurations académiciennes -, l'ouvrage alterne études de cas et réflexions transversales sur la dynamique des collectifs littéraires, aussi bien que sur les outils qui permettent de l'appréhender. -
Questions de possibilité : Poésie contemporaine et forme poétique
David Caplan
- PULG
- 20 Septembre 2016
- 9782875621078
Ce livre s'intéresse moins aux mouvements poétiques qu'au mouvement des formes poétiques. Plutôt que de s'acharner à promouvoir ou à rejeter certaines écoles, il étudie les formes que les poètes adoptent ou négligent. Ces choix sont révélateurs de leurs ambitions et de leurs limites, des possibilités neuves qu'ils découvrent et des traditions qu'ils trouvent impossibles à assumer.
Cette étude se concentre sur cinq formes, cinq points sur une carte pour dessiner les contours particuliers de la poésie métrique et de la culture poétique contemporaines: la sextine, le ghazal, le sonnet amoureux, le distique héroïque et la ballade.
En soulignant ce que des pratiques soi-disant antagonistes - prosodie et « théorie », poèmes « traditionnels » et « expérimentaux » - ont à se dire, Questions de possibilité éloigne le débat des oppositions binaires qui obèrent trop souvent les débats sur la poésie américaine contemporaine.
Les poèmes envisagés ici s'ouvrent à des influences imprévues. Pour cette raison, cette étude accorde une attention renouvelée à ce
que les auteurs disent et à ce que leurs formes poétiques révèlent, soucieux de ne pas perdre de vue que les formes qu'ils utilisent contreviennent parfois à leurs assertions partisanes, leurs usages politiques et esthétiques variant en fonction des contextes et des exigences.
La prosodie après « les guerres de poésie » réclame un modèle moins agonique, plus nuancé de la création littéraire, un modèle capable de montrer comment les écrivains utilisent même les idées auxquelles ils s'opposent. Les bons poètes sont opportunistes. Ils boivent à diverses sources. Leur goût du déplacement frustre ceux qui cherchent à dessiner des généalogies simplistes. Questions de possibilité propose un vocabulaire critique flexible susceptible d'éclairer la poésie la plus intéressante de notre époque au lieu de l'ignorer. Il s'agit avant tout de parler des « contemporains » qui se « partagent la langue » et non des partisans qui déclarent des « guerres ». -
Littérature monstre : Une tératologie de l'art et du social
Plassard Kor Yanna
- PULG
- 10 Septembre 2020
- 9782875622471
De Quasimodo à Ubu, de l'Homme qui rit au nain Philippo réduit à sa seule tête dans les Impressions d'Afrique de Raymond Roussel, le monstre hante les imaginaires de la modernité. Cette vitalité transfictionnelle tient aux métamorphoses et réinvestissements du grotesque romantique dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, ouvrant la route aux déferlements que nous connaissons aujourd'hui. Dans la France des années 1848-1914, alors que l'histoire naturelle s'intéresse à la genèse des monstres, que le public des foires contemple fasciné des corps difformes ou estropiés tels que celui de la «Vénus au râble», médecins et penseurs du social recourent à la tératologie pour exprimer leur obsession de la dégénérescence des peuples et des civilisations. La littérature et le théâtre s'emparent de la figure du monstre en écho à ces préoccupations, mais aussi en suivant des logiques allégoriques, métaphoriques ou symboliques qui leur sont propres: l'être monstrueux prête sa chair aux aberrations du corps politique et social, il figure ses anomalies et ses déviances, ou bien il se fait reflet de «l'âme monstre» qu'évoque Rimbaud. Plus profondément encore, le monstrueux attaque également le langage en pervertissant le style, l'écriture, la composition même des oeuvres et leur esthétique: s'impose alors, sur le papier comme sur la scène, une littérature monstre à tous les sens du terme.
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Lire le récit multimodal, à la limite de ses habitudes
Martin Côme
- PULG
- 10 Septembre 2020
- 9782875622433
Cet ouvrage se propose d'examiner des oeuvres, romans, bandes dessinées et récits numériques, qui déploient des stratégies multimodales innovantes et complexes dans la construction de leur narration, en postulant qu'elles peuvent mettre en difficulté leur lectorat et amener à les lire à la limite de ses habitudes. Les récits multimodaux contemporains étudiés en ces pages vont ainsi aller à l'encontre de l'horizon d'attente de leur lectorat et faire de l'acte de lecture, habituellement irréfléchi, un processus actif et volontaire.
Lire ces oeuvres multimodales à la limite de ses habitudes, c'est les considérer sous tous les angles et les approcher comme démonstrations les plus évidentes que l'aspect visuel d'un livre, dans sa totalité, repose sur un certain nombre de conventions désormais invisibles car assimilées par le lectorat. Parce que de tels dispositifs bouleversent nos habitudes de lecture, on ne peut les ignorer: ils amènent des anomalies ou des déviations invitant à être interrogées, analysées, explorées. C'est la feuille de route que se propose, modestement, cet ouvrage: à travers des oeuvres inhabituelles, dans tous les sens du terme, mettre en lumière différents aspects matériels et esthétiques du récit littéraire et graphique que l'on aurait tendance à tenir pour acquis. -
Revue Traces n.27 : Découvertes de l'imposture
Jean-Louis Dumortier
- PULG
- Revue Traces
- 7 Novembre 2023
- 9782875623867
Il n'est d'imposture que découverte. Qui ne s'avise pas d'avoir été trompé ou de s'être abusé lui-même - sur ce qu'il vaut, sur ce qu'il peut - n'éprouve pas de sentiment d'imposture. Vogue sa galère sur une mer dont il ignore les dangers! Mais que survienne la tempête d'une prise de conscience...Ces soudaines levées de la houle, ces vagues de désillusion qui déferlent, qui font perdre le cap et craindre le naufrage, Simenon les a tant racontées que l'on peut se demander - quand on sait la vertu thérapeutique de ses «transes» romanesques - s'il n'est pas obsédé par l'imposture, par le risque de la perte d'identité dans une mascarade quasi universelle, dans un tourbillon d'apparences à l'agitation duquel, plus ou moins délibérément, il contribue lui-même en se mettant en scène. Sa quête inlassable de «l'homme nu», la fascination qu'exerce sur lui la figure du clochard, radical du dépouillement, exhibitionniste du rejet des apparences dignes, ne sont-elles pas des symptômes d'une angoisse de s'égarer dans un monde de faux-semblants paré du nom de société, dans un jeu de dupes dont il ne parvient pas à tirer son épingle?Telle est en tout cas la piste de recherche qu'ont suivie celles et ceux qui ont contribué à ce volume de Traces. En s'attachant pour la plupart à interpréter un seul roman comme une variation sur le thème de la découverte de l'imposture, en interprétant l'oeuvre choisie selon des perspectives assez différentes les unes des autres, mais en veillant à illustrer l'art subtil d'un romancier qui donne plus à comprendre qu'il n'en dit, les autrices et les auteurs ont abondamment documenté un sujet qui ne renouvelle peut-être pas les études simenoniennes, mais qui, assurément, n'a pas encore été approfondi.