Lettres et langues
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Albert Camus face à la violence : À l'épreuve du « siècle de la peur »
Rémi Larue
- Bord De L'Eau
- 13 Septembre 2024
- 9782385190651
Entre révolutions, guerres et d'autres formes encore, la question de la violence s'est imposée à Camus comme à une grande partie de ses contemporains, soucieux qu'ils étaient de penser une époque particulièrement marquée par ses conséquences concrètes dans le monde. Notre thèse a voulu montrer comment la manière dont Camus aborde ce problème philosophique s'inscrit pleinement dans son époque, d'autres diront dans son « moment », tout en faisant apparaître une certaine originalité. Le premier signe de cette originalité tient, selon nous, dans la façon dont il a construit cette approche et cherché à représenter la violence dans sa diversité. De la bagarre d'enfants à la réalité crue de la guerre et de la révolution, en passant par le suicide ou encore le meurtre, cette diversité tient autant dans les formes évoquées que dans les acteurs dépeints. De cette diversité, nous avons tenté de réunir et d'analyser ce qui constitue, selon nous, une approche morale et politique de la violence, qui émerge notamment à partir de la Seconde Guerre mondiale et de l'expérience de l'écrivain dans les rangs de la Résistance. Une telle esquisse nous a conduit à écarter d'autres formes d'approche comme celle qui pose la question des sources de la violence en tentant de les expliquer ou encore celle qui veut faire le jour sur le caractère naturel de la violence chez l'être humain. Le deuxième signe concerne le contenu de cette approche et les pistes de réflexions voire de prises de positions qu'il y développe. Soucieux de se concentrer sur ce que fait la violence aux êtres humains plutôt que de tenter d'en saisir l'essence, on pourrait résumer les positions de Camus par la formule que l'on replace au coeur de sa démarche : « Ni victimes ni bourreaux ». Toute sa vie, l'écrivain a maintenu le souci d'une continuité dans ses réflexions et ses positions sur la question, alors même qu'il multipliait les canaux d'expression avec autant de genres littéraires pratiqués. À l'aide de la figure de la spirale de la violence politique, nous avons essayé d'analyser en profondeur les éléments constitutifs de cette approche proposant de limiter la violence plutôt que cherchant à l'éradiquer. Sur ce chemin, nous avons trouvé sa volonté de mettre en avant le dialogue, afin d'incarner cette limite aux actes violents, mais aussi la mise à l'épreuve par l'histoire à travers la décolonisation de l'Algérie, véritablement déchirure dans l'oeuvre et l'itinéraire intellectuel de Camus. Notre réflexion se situe dans une perspective d'histoire intellectuelle, c'est-à-dire en se plaçant au carrefour entre l'histoire, la littérature, la philosophie et la science politique. Camus était convaincu que sa création devait avoir pour source principale son expérience. À ce titre, nous avons attaché autant d'importance à sa production littéraire et intellectuelle qu'au contexte qui entourait cette dernière, en prenant soin de toujours rattacher les textes aux événements historiques qui leur servaient de décor, mais aussi aux débats intellectuels qui les nourrissaient.
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D'Homère à Houellebecq : douze oeuvres à méditer dans une ville déserte
Bruno Viard
- Bord De L'Eau
- Documents Bord De L'eau
- 14 Juin 2024
- 9782385190514
Il n'existe plus d'îles désertes comme au temps de Defoe. La fameuse question Quel livre emporteriez-vous... ? n'a pourtant rien perdu de sa pertinence pour au moins deux raisons, la surproduction littéraire et les bouleversements du XXI° siècle. C'est par rapport à toute la tradition de l'humanité que nous nous retrouvons en position d'insularité. Le ghetto dans lequel s'est enfermée l'université n'arrange pas les choses. L'Europe est-elle une arche de Noé démocratique surnageant à la surface d'un monde chaotique ? Est-elle au contraire la grande coupable de l'industrie carbonée, qui rend la planète de plus en plus inhabitable, et du colonialisme qui rend les peuples irréconciliables ? Tel est notre fond d'écran. Loin de constituer un rétrécissement de champ, disproportionné par rapport aux enjeux, la littérature pourrait bien, si on veut oublier le sens restreint qui a encore cours dans les universités, être le rond-point ouvrant en étoile sur la multiplicité des interrogations concernant l'égalité des classes, des sexes, des races, des religions, etc. Arbitraire en un sens, notre corpus ne comporte que des auteurs fondamentaux répartis sur 25 siècles. Il commence par la Grèce, Homère, les Tragiques, Socrate, suivis par Virgile. Mais notre culture a deux sources, la source grecque et la source chrétienne ? Jésus aura donc son chapitre comme Socrate. Montaigne, Pascal et Rousseau permettront de franchir les siècles classiques. Péguy, Proust, Giono et Houellebecq représenteront la modernité.
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Littérovision : un regard différent sur 100 grands romans de la littérature française
Michel Bernard, Baptiste Bohet
- Bord De L'Eau
- Documents Bord De L'eau
- 19 Mai 2023
- 9782356878915
Voir les grands romans de la littérature française autrement: telle est la promesse de cet ouvrage qui permettra au lecteur de découvrir les secrets de ces textes dont la postérité a fait des chefs-d'oeuvre.
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Cette réfl exion concrète sur la traduction, qui prend pour point de départ la juxtaposition de six versions françaises d'un même poème russe, a pour but de faire comprendre au lecteur les choix qui peuvent se présenter à un traducteur, mais aussi à quel point toute traduction représente une lecture personnelle d'un texte, et une immersion profonde au coeur de deux langues.
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Le 8 août 1854, Eugène Delacroix consigne une expérience d'émerveillement devant ce qu'il nomme le « petit monde » qu'il découvre au détour d'une forêt. Face à la parfaite organisation de ce microcosme, le peintre perd pied, un vertige le saisit.
Cette étude se propose de rendre compte de ce vertige, de comprendre la forme que Delacroix lui a donnée dans son journal et d'en mesurer l'étonnante descendance, d'Edgar Degas à Benoît Mandelbrot, en passant par les « sciences diagonales » chères à Roger Caillois. -
L'amour en ruine : un poème de la grande gaîté, d'Aragon
Adrien Cavallaro
- Bord De L'Eau
- Etude De Style
- 20 Janvier 2023
- 9782356878953
« Livre qui a paru sous le règne d'Elsa, mais qui a commencé avant », La Grande Gaîté donne à lire, selon Aragon, « les poèmes qui sont les plus purement d'ordre émotionnel qu'[il] ai[t] jamais écrits ». C'est que la composition de ce recueil méconnu, publié en 1929, d'une âpreté et d'une virulence sans égales dans l'oeuvre d'Aragon, est le témoin direct d'une grave crise amoureuse qui faillit emporter son auteur à Venise en 1928.
Après un ensemble de poèmes où Aragon tire à boulets rouges contre le monde des « anciens combattants » et des « flaireurs de bidet » de l'entre-deux-guerres, la « contre-poésie » de La Grande Gaîté investit la grande lyrique amoureuse, dont, par son titre même, « Poème à crier dans les ruines » se réapproprie la tradition, en prenant les accents du désespoir le plus cru. « Tous deux crachons tous deux / Sur ce que nous avons aimé tous deux » : c'est par ces vers blasphématoires qu'il débute, se livrant à des expérimentations d'une grande originalité.
Comprendre les modulations de ce ton si particulier de l'amour en ruine, en pénétrer les beautés violentes et les paradoxes : telle est l'ambition de cet ouvrage, qui voudrait aussi montrer à l'oeuvre un autre Aragon. -
Un mystérieux prince baudelairien ; une gravure fantastique
Marc Dominicy
- Bord De L'Eau
- Etude De Style
- 18 Septembre 2020
- 9782356877260
Ce livre s'offre comme une enquête qui aboutit, en fin de compte, à la résolution d'une énigme littéraire. Le quatorzain intitulé « Une gravure fantastique » dans la deuxième édition des Fleurs du Mal suscite l'étonnement par sa forme tout à fait exceptionnelle, par ce que l'on sait de sa genèse, et par l'obscurité de son contenu. Inspiré d'une gravure anglaise (dite « de Mortimer »), ce poème s'est d'abord moulé dans le canevas d'un air à la mode des années 1840 ;
Mais, à ce stade déjà, il a fait l'objet d'une refonte significative.
En 1857, on le voit réapparaître non pas dans la première édition des Fleurs du Mal, mais dans une revue à la diffusion assez confidentielle. Il diffère alors drastiquement de ses états antérieurs et il subira encore quelques modifications avant sa publication en recueil. Une analyse de détail montre que Baudelaire a désormais opté pour une structure à deux volets, dont le second évoque un « prince » qui n'est pas autrement identifiable. Une piste a priori prometteuse a été suggérée par Steve Murphy : le « prince » en question ne serait autre que Napoléon III. Certains arguments vont en ce sens, en particulier la lecture politique que Verlaine a faite d'« Une gravure fantastique » au moment d'écrire ses Poëmes saturniens. Mais une telle glose ne s'accorde guère avec l'évolution générale du corpus baudelairien. Un trait qui passerait aisément inaperçu - l'emploi du tour « au travers de l'espace » - nous aide à voir non seulement que, derrière la figure du « prince », se cache en réalité Leconte de Lisle, mais encore que ce dernier, parce qu'il a reconnu l'allusion, y a presque immédiatement répondu en usant d'un procédé similaire. Une étude des rapports complexes, faits d'une complicité apparente et d'une concurrence larvée, qui se sont noués entre les deux poètes montre que cet échange mené par la voie de démarcations verbales et de citations voilées n'est pas unique, et que Verlaine, s'il a privilégié à tort la dimension strictement politique du texte baudelairien, a du moins eu le mérite de pressentir la signification qu'il revêtait dans ces années où le premier Parnasse était en train de se former..
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Les dessins d'écrivain, à la différence des dessins d'artistes, ont pour particularité de prendre place dans la page écrite du Journal ou dans le corps du récit dans les cahiers. Ils entretiennent un lien organique avec le texte pour l'anticiper, le préparer, l'illustrer, montrer à la façon de la peinture et de la calligraphie chinoises, une analogie graphique entre trait d'écriture et dessin, ou tout simplement faire une pause ludique. La page autorise une perception unifiée d'un dessin et d'un texte, d'un mot et d'une image. Entre les deux éléments la circulation de l'oeil tisse des liens, construit des chemins, fraye des traverses, exalte des jointures. Ainsi est transgressée la ligne imaginaire qui sépare les deux aspects de la création.
Apparaissant au XIXe siècle dans une période où les genres se mélangent et les artistes échangent, ces graphes, gribouillis, griffonnages marginaux et asociaux, écartés de la publication par les éditeurs, demeurent au ban de la reconnaissance littéraire. Les dessins de Kafka ont connu une destinée plus singulière. Son ami Max Brod les découpait pour les sauver des corbeilles à papier où Kafka les jetait.
Deux dessins ouvrent le Journal de 1910, étroitement associés à des textes qui interrogent Kafka sur la possibilité et la légitimité de la création artistique. Celui de « l'Acrobate » qui défie l'équilibre répond au désespoir de l'aporie de l'écriture développée par le texte. Le graphisme élégant du dessin libère la main de l'écriture et impulse l'essor nécessaire à la création. Le mouvement du « Coureur » offre le paradigme de la création exultante qui permet à l'écrivain non pas de se dépasser, tel « l'Acrobate », mais de « sortir du cadre » de la page, de se libérer de l'ordre linéaire et de permettre l'ouverture et l'illimité. « L'Arpenteur », à l'inverse, marque un autre temps de la création : enfermé, l'écrivain est immobilisé, et l'aventure romanesque est désormais impossible. Ces trois temps, non catégoriques, forment tout au long de son univers poétique des pôles emblématiques.
D'autres dessins moins importants, montrent que Kafka ne cesse chercher quelle représentation donner de lui-même en tant qu'écrivain. Un certitude cependant émerge : écrire est plus important que de publier,
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Rendre la parole ; les larrons de William Faulkner
Pierre Bergounioux
- Bord De L'Eau
- Etude De Style
- 18 Novembre 2017
- 9782356875587
Les Larrons a été publié en juillet 1962. Faulkner ne verra pas l'ouvrage imprimé. Il s'est éteint, le 6, à l'hôpital de Byhalia, des suites d'une chute de cheval. Mais il a eu le temps, par bonheur, de boucler son récit, de tracer ses derniers mots - « Son nom (à l'enfant que Miss Corrie, qui a épousé Boon, vient de mettre au monde), c'est Lucius Priest Hogganbeck. » C'est trente-cinq ans plus tôt, en 1927, donc, que Le Bruit et la fureur a levé l'hypothèque dont la grande narration était grevée depuis sa lointaine origine, dans la Grèce du IXe siècle avant notre ère. Ce fut apparemment très simple et d'une portée, pourtant, que nous n'avons peut-être pas encore pleinement mesurée. Le jeune Faulkner a simplement abdiqué le privilège que s'étaient arrogé d'emblée, superbement, ingénument, les scribes, les doctes, les aèdes et les rhapsodes, les poètes, les lettrés, les romanciers le narrateur -, et qui consiste à donner pour la réalité l'idée qu'on se fait, de loin, plus tard, d'événements auxquels on est étranger. Il a rendu la parole à ceux qui s'y trouvaient impliqués corps et âme, dans l'instant - aux acteurs. C'est une révolution dont les conséquences sont prodigieuses, non pas seulement dans la forme mais dans le fond.
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Le corps à l'oeuvre Tome 1
Paul Dirkx, Jeanne Glesener, Bruno Trentini
- Bord De L'Eau
- Documents Bord De L'eau
- 19 Janvier 2024
- 9782385190064
C'est dans le double sens de la formule « Le corps à l'oeuvre » que réside l'originalité de l'ouvrage. Il s'agit aussi bien de mettre l'accent sur le fait que c'est le corps de l'écrivain ou de l'artiste qui fait effectivement oeuvre, qui est au travail dans le processus créatif, que de penser la création comme un trajet qui va du corps jusqu'à l'oeuvre réalisée, puis l'oeuvre reçue, lue, vue ou écoutée.
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Par L'Être et le n?ant, Sartre est le premier philosophe ? avoir tent? d'?ta- blir, par l'exp?rience et le raisonnement, cette libert? qui trop souvent ne s'appuie que sur de vibrants appels ou de courageuses revendications. Nous devrons analyser dans le d?tail cette d?monstration pour justi er, ?clairer et renforcer ? la fois notre admiration, la f?condit? de la pens?e de Sartre et l'exigence où nous nous permettons d'aller « plus loin » que Sartre grâce ? Sartre.
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Enseigner la littérature par temps mauvais
Bruno Viard
- Bord De L'Eau
- Documents Bord De L'eau
- 17 Mai 2019
- 9782356876447
La littérature est en France une grande cause nationale mais son enseignement traverse une phase critique.
Pourquoi ? 1/ À cause d'une approche coupée de la vie et 2/ trop de théorie et de technique.
Cette pratique n'est plus tenable au moment où le populisme menace la démocratie. Depuis les années 60, on est revenu vers l'ancienne rhétorique.
Au nom de la neutralité idéologique apparente du structuralisme, on a banni l'histoire et la psychologie des études littéraires. Cette neutralité cachait une déconstruction radicale de l'esprit républicain des Trente Glorieuses. Cet essai repose donc sur une discussion entre l'esprit républicain et la radicalité dont Michel Foucault et Pierre Bourdieu sont les figures emblématiques.
Tant que l'histoire et la psychologie, écartées au profit d'une technologie froide, n'auront pas été réintégrées, il ne faut pas s'étonner qu'ayant les deux mains attachées, les études littéraires offrent un visage peu attrayant et qu'il n'y ait plus de discussion dans les amphis.
Mais quelle histoire et quelle psychologie ? Le marxisme et le freudisme ont inspiré un temps deux écoles critiques fécondes qui ont disparu sans avoir réussi leur jonction. L'auteur propose d'ouvrir de nouvelles pistes en cherchant comment la littérature s'inscrit dans l'histoire de la république depuis la Renaissance jusqu'à la décolonisation.
Le pari est de faire communiquer les 3 sommets du triangle histoire / littérature / psychanalyse.
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En étudiant le début de la Recherche du temps perdu, à partir du fameux incipit « Longtemps, je me suis couché de bonne heure » jusque « ... les positions successives que nous montre le kinétoscope », l'auteure tente de saisir pourquoi cette longue phrase complexe qui se plaît à nous égarer dans les dédales de « l'inexprimable » nous entraîne dans un univers qui ne nous paraît pas étranger.
L'analyse des temps utilisés permet de pénétrer plus finement le mouvement de l'esprit que Proust décrit par le menu au seuil de la Recherche, oeuvre qui ne peut être réduite, comme le fait Jankélévitch dans L'irréversible et la nostalgie (1974), au « passéisme » de son auteur. La démarche est à la fois plus complexe, plus décisive et plus heureuse.
En étudiant ces premiers paragraphes, on verra se dessiner les qualités singulières du Je narratif. Nous suivrons en détail le mouvement de l'esprit du récit, en évoquant d'autres passages importants de la Recherche.
On comprendra ainsi pour quelle raison cette oeuvre, dès ses premières lignes, nous saisit, car elle nous semble aussitôt accueillante et douillette. Nous nous sentons, dès les premiers mots, en domaine familier. Ce « Je » qui ouvre le premier volume ne nous éloigne pas par une sorte de fermeture égocentrique, mais au contraire ouvre à un instant transmis et partagé.
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La littérature sans condition
Isabelle Alfandary
- Bord De L'Eau
- Totem Et Tabou
- 14 Janvier 2021
- 9782356877185
La littérature occupe dans le champ du savoir et l'institution universitaire une place instable et singulière. Elle n'est pas réductible à un discours, son rapport à la science et à la vérité est difficilement tenable. Depuis l'Antiquité, elle est un sujet de débat pour une autre discipline - autre discipline justement née de la séparation épineuse d'avec elle : la philosophie. La littérature brouille les frontières ontologiques et catégorielles, rend indécidables les identités.
Toute sauf intemporelle, la transmission de la littérature est aujourd'hui en question à l'heure où les enseignements de littérature diminuent, où des départements de lettres ferment dans le mouvement plus général de recul des sciences humaines. Même dans les lieux où elle continue d'être enseignée dans des cadres institutionnels, sa lecture et sa valeur posent problème. Comment aborder la littérature ?
Peut-on tout donner à lire ? Quelle est son exemplarité documentaire, culturelle ou historique ?
L'enjeu du présent ouvrage collectif qui réunit d'éminents lecteurs et des enseignants de littérature et de philosophie sera d'interroger l'hypothèse d'une littérature entendue dans son inconditionnalité. C'est de l'exceptionnalité de la littérature, de la singularité de son geste, de l'énigme de son impouvoir qu'il est ici question.
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Dante et le mythe de l'éternité de l'homme : le septieme chant du paradis
Claudio Gigante
- Bord De L'Eau
- Etude De Style
- 4 Mars 2022
- 9782356878236
Pourquoi Dieu se serait-il fait homme ? Y a-t-il un lien symbolique entre Adam et le Christ ? Pourquoi pour racheter l'humanité, Dieu aurait-il décidé, même s'il disposait - on peut le supposer - d'autres moyens, qu'il fallait que son fils prenne une forme humaine et qu'il soit crucifié ? Et d'autre part, si la passion et la mort de Jésus sur la croix ont été décidées par Dieu afin de racheter le genre humain, pourquoi se serait-il fâché ensuite contre les Hébreux, qui somme toute, en demandant la condamnation de Jésus, n'avaient qu'incarné les instruments inconscients de ses desseins impénétrables ? Comment pourrait-on alors justifier les châtiments (la destruction de Jérusalem, la dispersion) que la colère divine leur a infligés ? Pourquoi, dans un monde où tout semble voué à la disparition, le corps de l'homme serait-il éternel ?
Les questions que Dante se pose dans le septième chant du Paradis de sa Divine comédie, qui fait l'objet de ce petit livre, avaient donné matière, à son époque, à plusieurs subtiles disquisitions. En termes purement rationnels, il s'agit parfois d'apories conceptuelles apparemment sans issue, qui semblent aujourd'hui dépasser la frontière du raisonnable : mais les arguments dont le poète se sert reposent sur une logique et des présupposés qui appartiennent désormais à un autre temps, à une autre civilisation. Et c'est précisément cela qui fait son charme...
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Les deux exergues choisis, l'un extrait de La Bohème galante (1852) et l'autre d'Aurélia me permettent d'annoncer d'emblée ma perspective pour ce qui est de cette « étude de style » consacrée à un extrait de l'oeuvre majeure et très admirée de Gérard de Nerval Sylvie (Les Filles du Feu, 1854). Georges Poulet dans son « essai de mythologie romantique » sur cette nouvelle : « Sylvie ou la pensée de Nerval » affirme : « [...] - mais le temps, ici, n'existe plus. », nous montrerons qu'il faut nuancer cette affirmation. Dans son étude de cette même nouvelle, Pierre-Georges Castex parle d'un « cycle du Valois » et remarque : « Le retour vers le passé manifeste une réaction instinctive contre le danger dont il se sent menacé. » Il s'agirait, pour Nerval, dans ce retour aux sources, de renouer avec une certaine continuité de sa vie. Déjà, dans Les Faux Saulniers (1850), oeuvre princeps pour ainsi dire, Nerval associe le « voyage à Cythère de Watteau » avec « ces étangs créés par les débordements de l'Oise et de l'Aisne » et, s'adressant directement au lecteur, indique quelle est la haute valeur pour lui de ce pays des souvenirs. En somme, cette terre du Valois joue à peu près le rôle de la forêt d'Ardennes chez Shakespeare : au pays de l'origine, du rêve et de l'esprit (des esprits aussi), l'imagination poétique résout les questions que les imperfections de la civilisation soulèvent et enveniment, et la société humaine retrouve une vigueur première et véridique.
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Stèle provisoire de Victor Segalen : Ou l'écriture du désir-imaginant
Andrea Schellino
- Bord De L'Eau
- Etude De Style
- 15 Novembre 2024
- 9782356879936
L'auteur propose une lecture de « Stèle provisoire » de Victor Segalen, à l'aune des éditions de 1912 et de 1914 de Stèles, et de l'oeuvre de leur auteur. Ce poème, qui appartient aux « Stèles orientées », revêt une fonction centrale dans le recueil : représentation de l'acte d'écriture et de lecture, elle le prolonge vers une forme d'« idéalisme désirant » (Christian Doumet), qui s'exprime dans d'autres poèmes de Segalen. Miroir du fondement précaire de la poésie, cette stèle est un « nuage », selon l'épigraphe chinoise qui figure en tête de l'encadrement du texte : « Chou Ling ». L'analyse du poème s'articulera en rapport avec le modèle linguistique chinois, « religion du signe », et l'inscription concrète des sinogrammes dans le texte du poème, qui établissent une identification intégrale du caractère avec le sens : « Ils n'expriment pas ; ils signifient ; ils sont. » Parallèlement, je propose une analyse détaillée de l'atelier créatif de Segalen, à travers un parcours génétique : le dossier manuscrit conservé au fonds Segalen de la BnF contient cinq versions manuscrites et quatre versions dactylographiées corrigées de « Stèle provisoire ».
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Ma vie pour le judéo-espagnol ; la langue de ma mère, entrerien avec Dominique Vidal
Sephiha Haim Vidal
- Bord De L'Eau
- Judaisme
- 17 Mars 2015
- 9782356873736
Chassés d'Espagne par Isabelle la Catholique en 1492, les Juifs séfarades ont emporté avec eux un trésor : leurs deux langues, variétés de l'espagnol d'alors, qui engendreront le judéo-espagnol vernaculaire et le ladino ou judéo-espagnol calque, dans lequel était traduite la Bible hébraïque. Comme le yiddish des Juifs ashkénazes, elles ont failli disparaître dans la Shoah. Dans le combat pour les ressusciter, Haïm Vidal Sephiha fut un pionnier. C'est la mort de sa mère qui le pousse, cinq ans après son retour d'Auschwitz, à changer de vie : le chimiste va devenir linguiste pour faire revivre le parler et la culture de son enfance bruxelloise. Se consacrant totalement à ses nouvelles études, il soutiendra deux thèses successives avant d'obtenir la première chaire universitaire de judéo-espagnol. Entre-temps, il assure la renaissance du cette langue en animant un atelier au Centre Rachi, puis au Centre communautaire de Paris et en créant les association Vidas Largas ainsi que « Judéo-espagnol à Auschwitz » et en obtenant l'apposition d'une dalle en judéo-espagnol à Birkenau. Toute une vie à la recherche de « la langue de sa mère », qu'il raconte ici Son existence défile dans un dialogue affectueux avec son fils qui nous fait redécouvrir son histoire familiale, sa déportation et ses engagements en faveur du judéo espagnol
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L'extrême gauche saisie par les lettres
Revue Dissidences
- Bord De L'Eau
- 16 Janvier 2018
- 9782356875600
De Nous voulons tout de Nanni Balestrini à Underworld USA de James Elroy, en passant par Le Père de Blanche-Neige de Belén Gopequi, Das Luxemburg-Komplott de Christian von Ditfurth ou L'Homme qui aimait les chiens de Léonardo Padura, les exemples récents de traitement du réel révolutionnaire à travers le miroir de l'imaginaire artistique sont légions, touchant aussi bien la littérature « blanche » que les « mauvais » genres, roman noir (Nous Cheminons entourés de fantômes aux fronts troués de Jean- François Vilar) et science-fiction (Les Dépossédés d'Ursula Le Guin).
C'est à ce kaléidoscope fictionnel que ce volume de Dissidences souhaite s'intéresser, en prenant la littérature dans sa totalité en tant que miroir, révélateur ou passeur de l'extrême gauche. Sont ainsi abordées les mutations du sujet révolutionnaire, telles qu'elles peuvent être repérées dans la littérature noire américaine, l'oeuvre poétique de Sante Notarnicola ou les romans El padre de Blancanieves de Belén Gopegui et Les Renards pâles de Yannick Haenel ; la guerre d'Algérie traversant le prisme De nos frères blessés (Joseph Andras) ou de la revue Action poétique ; le militantisme maoïste, dont une des sorties privilégiées pourrait bien se faire par l'écriture littéraire, celle de Charles Paron ou des anciens établis.
Deux contributions reviennent également sur des réminiscences de l'ancien efficace communiste, que ce soit à travers les uchronies prenant 1917 comme focale, ou le roman espagnol d'envergure qu'est La Caverna del comunismo d'Andrés Sorel. D'autres articles se penchent sur les traitements fictionnels récents d'une Révolution française toujours brûlante, ainsi que sur l'autopsie des années 70 et des espoirs incandescents de changer le monde, entre autre par la lutte armée, pratiquée par Mathieu Riboulet, Ulrike Edschmid et Alban Lefranc. Une facette méconnue de Claude Levi- Strauss est enfin dévoilée, celle du critique littéraire.
Autant de réflexions qui constituent une invitation à saisir la littérature comme vecteur révolutionnaire dans le cadre d'une politisation de la fiction.
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L'ouvrage aborde les notions de traces et de mémoire, dans le rapport complexe et pluriforme qu'elles entretiennent avec le paysage et, notamment, un paysage marqué par les grands confl its européens, qui se déploient de 1870 à 1945. Les approches réunies présentent un caractère pluridisciplinaire qui mesure les enjeux et les répercussions d'un dialogue entre confl its passés et présents. Il s'agit, à travers les diff érents textes qui le composent, de voir comment les productions artistiques et notamment les productions contemporaines s'emparent des transformations physiques et psychiques opérées sur le paysage par les guerres européennes, pour interroger les formes de représentation issues de la mémoire vive de ces événements.
L'impact des transformations opérées sur les territoires marqués par les guerres, y est analysé à partir de trois axes spécifi ques : les traces naturelles ou comment les diff érentes couches de l'histoire se mêlent aux manifestations organiques de la nature et permettent de re-tracer ou re-composer un passé dont les diff érents niveaux de lecture s'expriment par le biais de ces surfaces combinant architecture de guerre et nature ; le deuxième axe s'intéresse au paysage culturel, c'est-à-dire, aux transformations du patrimoine pris au sens d'héritage commun et de mémoire vive. Les traces de ce patrimoine, qui se manifestent par le truchement des souvenirs, engagent des reconstitutions souvent partielles d'événements marquants, comme les guerres, laissant leur empreinte sur des territoires meurtris, délaissés, voire abandonnés. La notion de paysage mentale sert de point d'orgue à ces réfl exions, le troisième axe abordant la représentation psychique comme trace de la mémoire et de l'oubli. Il vise à explorer les métaphores de l'histoire, la ou les manière(s) dont le passé peut être réinterrogé, reconstruit, voire réinventé à la lumière des démarches de création s'appropriant cette histoire.
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Revue du M.A.U.S.S. Tome 58 : générosités du récit. quand raconter, c'est donner
Julie Anselmini, Philippe Chanial
- Bord De L'Eau
- Revue Du M.a.u.s.s.
- 3 Décembre 2021
- 9782356878403
Notre vie est tissée de récits. Parfois même d'histoires à dormir debout. Comment expliquer une telle omniprésence mais aussi le plaisir si vif que nous prenons tant à raconter qu'à écouter ou lire des histoires?? L'hypothèse de ce nouveau numéro du MAUSS est que la réponse à ces questions est à chercher dans les relations entre don et récits. Raconter, n'est-ce pas avant tout donner?? Le récit n'est-il pas fondamentalement généreux??
Ce sont ces générosités du récit que ce numéro propose d'interroger à travers la multiplicité de ses formes. Que donne-t-on en racontant des blagues?? En prononçant une oraison funèbre?? En livrant sa vie intime à un psychanalyste?? En relatant des faits (réels ou imaginaires), le récit relie un «?donataire?» et un «?bénéficiaire?», mais quelle est la nature des relations qui se nouent ainsi?? Et notamment entre auteur et lecteur. Car le récit de fiction est aussi offrande, don de vie, donnant à voir des événements, des êtres, mais aussi des possibles qui sans lui resteraient lettre morte. Et n'oublions pas le plaisir du récit, ce qui se donne, libéralement.
Cette dimension esthétique et créative, dont attestent ces multiples récits, n'est-elle pas d'ailleurs l'un des fondements du social, en cela qu'il désigne, plus que l'obligation ou la nécessité d'être ensemble, le plaisir partagé qu'on y éprouve ?
Avec les textes de Victor Rosenthal, David Le Breton, Henri Raynal, Lewis Hyde, Julie Anselmini et Claude Schopp, Nathalie Solomon, Pascal Durand, François Flahaut, Stéphane Corbin, Daniel Desormeaux, Florian Villain, François Bordes, Alain Caillé, Richard Bucaille.
Les textes en version @ : Anthony Glinoer et Michel Lacroix, Marcel Hénaff, Rebecca Colesworthy, Fabien Robertson, Pierre Michard, Philippe Chanial, Rudy Amand, Michaël Singleton.