Nous
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Dans Liguries, on découvre un Calvino arpenteur minutieux des paysages, homme de l'espace et non du temps, animé par une pulsion de voir et de décrire qui fut aussi forte que celle de raconter. Liguries est constitué de cinq proses et d'un ensemble de poèmes (les « Eaux fortes de Ligurie », rédigés pendant la période de la Résistance). Les proses s'étalent de 1945 à 1975 : « Ligurie maigre et osseuse », géographie humaine de la Ligurie comparée à une échelle ; « Sanremo, ville de l'or », qui se penche sur le destin de cette ville vouée à l'argent dans une région de pauvres gens ; « Ligurie », vaste et forte présentation des caractéristiques physiques d'où ressort une impression d'inquiétude et de fragilité de la vie ; « Savona :
Histoire et nature », qui suit le plan de la ville dans l'espace et dans le temps ; et « La mer forme le troisième côté » (sur Gênes) ». A travers les textes qui le composent, Liguries est bien un guide de la Ligurie : de son littoral, de son arrière-pays et de deux de ses principales villes, Gênes et Savone. On y suit cette fine languette de terre qui forme comme un accent circonflexe ou un sourcil sur l'oeil de la mer entre la France et l'Italie. On y découvre l'histoire de cette terre de batailles, on y comprend l'économie et la société ligures. -
Tout autre chose est le premier livre de Claro aux éditions Nous. Il s'agit d'une sorte d'inventaire d'objets plus ou moins matériels, plus ou moins banals, en tout cas supposés quotidiens. Dans une langue à la fois sombre et précise, ces textes expriment l'inquiétude vis-à-vis de ces objets (couteau, coussin, ampoule, clou, caillou, clé...) qui - investis par le regard et les affects de l'observateur - s'animent d'une présence étrange, d'une sorte de vie onirique, voire cauchemardesque. Le quotidien en ressort modifié, il semble changer d'échelle, s'animer d'une puissance énigmatique et hors contrôle. Chaque texte est un mélange subtil de gravité, d'hallucination et d'humour, qui peut rappeler l'univers de Kafka. « Plutôt que d'isoler l'objet et d'en exploiter l'exacte nature, j'essaie de lui faire rendre gorge, de le machiner avec nos pulsions, de le traiter comme une chose animée, voire animale. Voir en l'objet, non pas la matière ou la forme, mais des possibles, et des impossibles ; le traiter sans ménage, le triturer, et le laisser se retourner contre nous (l'auteur, le lecteur). » [Claro]
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Les éditions Nous poursuivent leur travail de révélation du grand écrivain italien. Dans ce magnifique « portrait de ville » on retrouve l'écriture puissante et la lucidité politique de Carlo Levi, son regard à la fois aigu et tendre sur Rome et ses habitants. La Rome de Carlo Levi est une ville noble et plébéienne, ancienne et absolument actuelle, ville hors du temps qui demeure toujours fugitive, sa beauté âpre étant toujours prête à surgir là où on l'attend le moins. Les pages de ce livre, écrites entre 1951 et 1963, donnent à voir une multitude de personnages, véritables portraits vivants d'un monde populaire : petits métiers et trafics, vie des quartiers, fêtes rituelles, évolutions et dégradations de l'urbanisme, rémanences de l'époque fasciste. Toute une multiplicité, venue lentement d'une civilisation très ancienne, se trouve agitée par une philosophie de vie aussi flegmatique que sceptique, et pourtant dotée d'une vitalité incroyable. « C'est le peuple le moins rhétorique, le moins idolâtre et le moins fanatique de la terre. Même le temps ne les émeut pas, ne les effraie pas, car il est devant leur porte, palpable au bout leurs doigts. »
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Nous crachons sur Hegel est le livre le plus connu de Carla Lonzi, ici traduit intégralement pour la première fois. Il expose et concentre toute la pensée de cette figure emblématique du féminisme radical italien, et sera accompagné d'une postface soulignant l'inscription évidente de cette voix puissante dans la constellation des féminismes d'aujourd'hui. Le titre résume de la manière la plus irrévérencieuse la critique féministe du « projet révolutionnaire » marxiste - dont Hegel est la métonymie. Repère décisif de l'histoire du féminisme, cette pensée « à coups de marteau », à la fois en décalage avec les revendications féministes de son époque et en résonance anticipée avec les débats d'aujourd'hui, apporte des éclairages d'une étonnante fraîcheur sur des thématiques aussi diverses que le corps, les enjeux socio-politiques du désir, du sexe et de l'amour, le patriarcat en tant qu'instrument capitaliste et culturel de domination.
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Chambre distante est le troisième livre d'Emmanuel Laugier aux éditions Nous, après ltmw (2014) et Chant tacite (2020). Chambre distante est un livre de 111 poèmes écrits à partir de 111 photographies.
Les poèmes sont inscrits comme une ombre sur le verso de la page, se tenant dans l'espace de la page comme l'envers d'une image absente mais nommée. Le livre est écrit à la manière d'une investigation sensible, à partir de la fréquentation de multiples photographies, du dix-neuvième siècle à aujourd'hui.
Chaque poème est la transcription langagière d'un regard et de ce que l'image fait au regardeur-scripteur.
Les poèmes sont à la fois l'évocation et la trace d'une rencontre avec les oeuvres, de l'expérience d'écriture qu'elles produisent. -
Les poèmes qui constituent Eau de poulpe sont autant d'éclats de Sicile. Ils ont été choisis dans l'ensemble de l'oeuvre et sont donnés dans l'ordre chronologique de composition, de 1943 à 1978. Tous ont un rapport, explicite ou allusif, à la Sicile. Ils sont écrits dans une langue d'une simplicité apparente, dont l'efficacité réside en une sorte d'économie, en une sobriété assumée. La Sicile de Cattafi - même s'il en explore les beautés et l'intensité - n'est jamais une Sicile idéalisée, il s'agit bien au contraire d'une Sicile éprouvée, abordée dans toute son âpreté. Brefs et denses, ces poèmes de Sicile sont écrits dans la langue si spécifique de Cattafi : nette, directe, élémentaire et intense.
Ces poèmes témoignent d'une grande disparité de tonalités et d'affects. Frappant est le contraste, d'un poème à l'autre, entre la douceur de la vie, de la nourriture, de la végétation d'un côté, et la pauvreté, la dureté de la vie, et la violence de l'histoire de l'autre. L'abord est tantôt géographique, tantôt historique, ou climatique, il est parfois gastronomique, et ponctuellement autobiographique. L'ensemble compose une sorte de portrait lacunaire, à facettes, d'un rapport à la Sicile. -
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Combine est un livre constitué de 1?000 poèmes brefs :
Autant d'instantanés, détails du monde, éclats de pensée.
Combine est un livre de lecture, le lieu d'une poétique en poèmes :
On y lit notations, réflexions, amorces narratives, poèmes concrets, poèmes de marche et de regard. Produit d'un assemblage aléatoire, Combine affirme l'imprévisible, l'étoilement :
On y rencontre paysages, insectes, peinture, musique, météo.
Son principe, en vitesse : « faire poème de tout, faire poème de rien ».
Le titre, Combine, est adresse au lecteur, appel à se saisir de ce vrac : combine?! -
Ce livre rassemble les manifestes de la poète Mina Loy. Écrits entre 1914 et 1919, ces écrits incisifs portent autant sur la politique que sur l'esthétique et constituent les différentes facettes d'un programme radical et résolument moderne pour l'émancipation des femmes et des hommes dans les sociétés occidentales. Égalité hommes-femmes, libération sexuelle, éthique du courage et autonomie : autant des thèmes qu'abordent ces écrits polémiques, qui avec leur langue puissante et leur registre enragé tentent d'opérer la conjonction difficile entre les tendances individualistes typiques du modernisme et la révendication d'une démocratie égalitaire, donnant enfin toute leur place aux femmes en tant qu'individus autonomes. Mina Loy y livre son affirmation radicale d'une éthique du courage ainsi que des refléxions - sur le sexe et l'amour, sur le mariage, sur la prise de conscience du corps... - qui résonnent fortément avec les problématisations féministes d'aujourd'hui, et constituent une étape incontournable dans l'histoire du féminisme européen. Le Manifeste féministe, écrit en 1914, très connu dans le monde anglo-saxon, est suivi des « Aphorismes sur le futurisme », et de plusieurs textes courts sur la constitution d'une société démocratique prenant en compte les découvertes alors récentes de la psychanalyse, des « Aphorismes sur le modernisme », des « Notes sur l'existence », des réflexions sur « L'artiste et son public »...
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"Poème filmique" en prose et vers, La Rage est le scénario intégral du film sorti en 1963 (dans une version raccourcie). Un commentaire lyrique qui mélange l'analyse sociale et politique à l'invective, l'élégie à l'épique, en les tissant avec des images des actualités, des matériaux d'archives et des photographies des faits marquants de son époque.
En interrogeant la société de son temps, le poète-réalisateur interroge aussi la nôtre. Dans ce texte, d'une brûlante actualité, on y retrouve le Pasolini le plus politique, le plus âpre et le plus clairvoyant.
« Pourquoi notre vie est-elle domine´e par le me´contentement, l'angoisse, la peur de la guerre, la guerre ? C'est pour re´pondre a` cette question que j'ai e´crit ce film, sans suivre un fil chronologique, ni me^me peut-e^tre logique. Mais pluto^t mes raisons politiques et mon sentiment poe´tique ».
Pier Paolo Pasolini.
Introduction de Roberto Chiesi.
Postface de Jean-Patrice Courtois.
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Après la réhabilitation de la romancière, la découverte de la poète. Élégie pour une jeune fille en noir est un inédit de Hélène Bessette, seul texte de poésie dans son oeuvre. La forte tonalité autobiographique, l'extrême simplicité de la langue donnent à voir la confession et le regret d'une passion amoureuse qui s'adressent, au seuil de la mort, à une mystérieuse jeune fille en noir. Il s'agit d'un ultime livre bouleversant, soutenu par la force et la singularité d'une écriture conclusive et secrète.
Acclamée par de nombreux auteurs et critiques - Claude Mauriac, Alain Bosquet, Nathalie Sarraute ou Marguerite Duras (« La littérature vivante, pour moi, pour le moment, c'est Hélène Bessette, personne d'autre en France », disaitelle) - Hélène Bessette a publié 13 romans chez Gallimard entre 1953 et 1973, chacun mettant à mal les codes narratifs traditionnels. Dans son oeuvre, dont l'édition intégrale a été entreprise par Othello (Le Nouvel Attila), un seul texte fait exception, semblant s'écarter in extremis de la forme romanesque. Il s'agit d'Élégie pour une jeune fille en noir, sur lequel Hélène Bessette travailla les dernières années de sa vie.
Ce long poème lyrique peut être lu de plusieurs manières : comme la déclaration d'une femme vieillie (Je reste sidérée / d'être vieille / Je pensais tant ne l'être jamais) à la jeune fille aimée, confession rétrospective d'un amour homosexuel resté secret et impossible. Ou comme une adresse, depuis la vieillesse, à la jeune fille qu'elle était et qui n'est plus. C'est une sorte d'« élégie autobiographique », écrite au seuil de la mort - Hélène Bessette s'y livre dans une langue tendue, magnifiquement dense et musicale. Dans ce long chant mélancolique, elle retraverse sa propre vie, sa propre jeunesse, elle se raconte avec l'intransigeance qui aura toujours été la sienne, poussant jusqu'au bout, une dernière fois, l'exploration des singularités de sa langue.
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Les Journaux de Kafka, toujours surprenants, sont le lieu d'une écriture lucide et inquiète où se mêlent intime et dehors, humour et noirceur, visions du jour et scènes de rêves, où se succèdent notes autobiographiques, récits de voyages et de rencontres, énoncés lapidaires, ainsi qu'esquisses et fragments narratifs plus longs. Dans ce battement entre vie écrite par éclats et soudaines amorces fictionnelles, les Journaux se révèlent être le coeur de l'oeuvre de Kafka : le lieu où les frontières entre la vie et l'oeuvre s'évanouissent.
Cette édition est la première traduction intégrale des Journaux de Franz Kafka. La seule traduction française visant l'intégralité était à ce jour celle de Marthe Robert, publiée en 1954 chez Grasset. Mais elle ne correspond pas à l'intégralité des Journaux de Kafka. En effet, elle se base sur la version établie par Max Brod en 1951 : celui-ci avait procédé à une censure des textes de son ami, en éliminant les noms des personnes encore vivantes, et un certain nombre des remarques qui le concernaient lui-même. Dans sa volonté de faire de Kafka un « saint laïque », il avait également supprimé des passages jugés « obscènes ». Enfin sa chronologie, qui a été suivie par Marthe Robert, s'est avec le temps avérée erronée (la traduction française contenait d'ailleurs un certain nombre de fragments traduits à partir de la version anglaise, plus complète que l'édition originale en allemand - avec tous les risques qu'une traduction de traduction comporte). Se pose enfin la question, cruciale, de la place à accorder aux fragments fictionnels. Dans l'édition de « La Pléiade », ils sont absents du volume contenant les journaux. Or, ces textes figurent dans les mêmes cahiers manuscrits qui contiennent les notations « diaristes ». Et il y a un intérêt certain, par exemple, à pouvoir lire dans la continuité la première version, manuscrite, d'une nouvelle et, immédiatement après, le commentaire qu'en fait Kafka.
Les Journaux ce sont, matériellement, 12 cahiers in-octavo. Ils couvrent les années 1910 à 1922, avec de fortes disparités quant à la fréquence et à la longueur des notations. Kafka ne faisait pas de différence, quant au support d'écriture, entre la fiction et « l'autobiographie », celle-ci étant évidemment liée au projet de la tenue d'un « journal ». Nous suivons donc la leçon qui a été proposée dès 1990 par les éditeurs allemands de la « Kritische Ausgabe », qui ont reproduit à l'identique les cahiers manuscrits. La chronologie qui en résulte est très différente de celle de Max Brod. Le texte corrige aussi certaines erreurs du déchiffrage initial des manuscrits.
Cette version est donc la première à traduire en français l'intégralité des cahiers des journaux à partir des manuscrits. La traduction de Robert Kahn reste au plus près de l'écriture de Kafka, en préservant les litotes, la syntaxe, en « laissant résonner dans la langue d'arrivée l'écho de l'original ». Elle s'inscrit ainsi à la suite de ses retraductions remarquables des lettres À Milena (2015) et des Derniers cahiers (2017).
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L'Offense est « un chant de colère », un chant sobre mais déterminé à ne pas laisser sans réponse l'offense que constitue l'exploitation commerciale d'un drame. Mais L'Offense est tout autant une réflexion sur la politique, sur le deuil et la sororité, un tombeau de l'enfance, le touchant et délicat portrait d'une soeur, opposant à l'instrumentalisation d'un attentat l'affirmation de la puissance des souvenirs, des mots, de la pensée. L'Offense est un texte tendu par la seule volonté de dire et de récuser une offense. L'offense dont il est question ici vise le souvenir de la soeur de l'autrice, morte il y a presque vingt ans dans un attentat à Tel Aviv où elle vivait. En effet, depuis 2003, un journaliste américain, présent et blessé ce jour-là, multiplie les récits de cette nuit tragique jusqu'à commettre, en 2015, une bande dessinée mettant en scène cette soeur par le biais d'images impardonnables. Cette appropriation morbide atteignit un stade supplémentaire en 2018 puisqu'il vendit, aux États-Unis, les droits de cette BD pour en faire un film ou une série. Cette ultime offense provoqua l'écriture de ce texte.
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Premier livre de Sereine Berlottier aux éditions Nous, Avec Kafka, coeur intranquille est un texte puissant, un livre qui opère, de façon très singulière, une sorte enchevêtrement de l'intime et de l'autobiographique avec une pratique de la lecture et de l'écriture « avec » Kafka. L'oeuvre de Kafka est ici beaucoup plus qu'une référence : c'est une présence permanente, et qui interfère avec la vie l'autrice au cours d'une période où elle accompagne sa mère dans ses derniers jours. Réappropriation intime de Kafka, le livre est aussi une réflexion sur la puissance de la lecture. Après les retraductions de Kafka par Robert Kahn, Avec Kafka, coeur intranquille vient renouer autrement, en littérature, le lien des éditions Nous à la figure de Kafka
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Classique de la littérature italienne du vingtième siècle, Feuille de route est le premier livre de poèmes de Franco Fortini traduit intégralement en français. Figure exemplaire de l'intellectuel engagé, Franco Fortini est aussi l'un des grands poètes italiens du vingtième siècle, encore trop peu connu en France. Foglio di via est son premier livre, et sans doute son livre de poèmes le plus emblématique.
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Voyage au Molise recueille onze articles publiés par Francesco Jovine entre 1942 et 1950 dans le quotidien Il Giornale d'Italia (publiés posthumes en 2001), traduits ici en français pour la première fois. Issu d'un milieu paysan, formé au marxisme, Jovine porte un regard engagé et amoureux sur la terre de ses origines. La traversée de cette mémoire d'une terre ancienne et taciturne permet de comprendre le Molise d'aujourd'hui, et de découvrir l'auteur qui en a parlé de la manière la plus subtile et juste.
La région du Molise était et demeure méconnue, même en Italie. Terre ancienne et pauvre, dont les enjeux historiques, économiques et sociaux sont paradigmatiques de ce qu'on a appelé la « question méridionale ». Jovine lui rend hommage avec un regard acéré et passionné. Il s'agit moins d'un guide de voyage que d'une réflexion sur la terre natale (sur laquelle l'écrivain revient alors qu'il vivait à Rome depuis de nombreuses années), sur ses coutumes, ses habitants, leurs mentalités et comportements. Sous-développement, brigandage, luttes acharnées des paysans pour la terre, déracinement et malaise du petit bourgeois venu à la ville, rapport de l'intellectuel avec le milieu dont il est issu, voilà les interrogations qui ne cessent d'inspirer Jovine.
L'auteur donne une image complexe de la réalité méconnue du Molise, marquée par le fascisme et sa chute, par les changements économiques et culturels de l'après-guerre, par les troubles qui traversent le sud de l'Italie, dont le pays tout entier porte encore aujourd'hui l'héritage. -
Livre culte, oeuvre majeure de la litte´rature ame´ricaine du vingtie`me sie`cle et aboutissement d'un immense travail de traduction qui aura dure´ une vingtaine d'anne´es, « A » est enfin accessible en franc¸ais dans son e´dition inte´grale.
Chef-d'oeuvre de Louis Zukofsky et sommet de l'objectivisme, la publication de « A » est l'e´ve´nement poe´sie de ces dernie`res anne´es.
Zukofsky disait de « A » : « ces mots sont ma vie » - il y aura consacre´ quarante cinq anne´es de travail.
Oeuvre majeure de la modernite´ ame´ricaine, « A » peut e^tre lu a` la fois comme un manifeste, le te´moignage d'une vie traverse´e par les espoirs et les de´sastres du sie`cle dernier, une que^te de l'amitie´ (Ezra Pound, William Carlos Williams) et un chant d'amour pour sa femme Celia. Dans « A » se me^lent inextricablement la vie de Louis et de sa famille, les e´ve´nements historiques du vingtie`me sie`cle, la musique, une re´flexion morale et politique hante´e par la pre´sence textuelle de Marx et Spinoza. Les 24 sections qui composent « A » - 24 comme les heures d'une journe´e - re´ve`lent une me´thode de composition d'une grande audace, qui alterne le vers rime´, le vers libre, le collage, la correspondance, les citations, l'e´criture the´a^trale, l'e´criture musicale...
Le mode`le prosodique demeure le vers de Shakespeare, son mode`le rythmique, l'art de la fugue et du contrepoint de Bach.
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Avec un sens intime de la joie inquiète, Provisoires tente de « rendre justice à l'intensité des événements » (Pierre Guyotat). C'est une adresse où s'exerce un regard sans fard, à la fois politique et sensible, sur notre temps.
Provisoires est constitué de cinq séries de textes distincts d'un point de vue formel et prosodique qui alternent dans le cours du volume. L'alternance de ces séries instaure des changements radicaux de prosodie et de scansion.
Il en résulte un chant à la fois délié et saccadé, entre méditation et saisie, dont les formes d'écriture s'efforcent de traduire les enjeux de la société contemporaine et d'exprimer l'impermanence des êtres et du monde.
L'ambition de ces textes est de proposer une vision de l'espèce humaine non dénuée d'espoir, mais qui en souligne la fragilité et qui pose un regard à la fois lucide et mélancolique sur le monde contemporain et le destin des individus. S'y déploient des obsessions récurrentes : la stupeur de vivre, la mort, l'amour, la toute puissance du désir, l'intensité de l'instant, la joie et le désarroi, la grandeur et les faiblesses du coeur humain, la folle sarabande des terreurs enfantines, la détresse et l'espoir, la rage et la fureur toujours tenaces malgré l'écoulement irrépressible du temps. Les thèmes de l'échec, de l'errance, du désastre (personnel ou collectif) sont notamment abordés, mais sans renoncer à l'expression d'une fraternité patiemment conquise, avec une certaine grâce, dans une sorte de ravissement, d'éblouissement face à ce qui survient.
Tout en s'efforçant de dégager de nouveaux enjeux, Christophe Manon s'inscrit de façon assumée dans la tradition d'une poésie lyrique, dont il reprend de nombreux motifs, et dont il partage le souci de faire de l'expression d'une expérience singulière un espace commun pour chacun, partageable par tous.
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Vers les terres vagues : approche de la zone à défendre
Virginie Gautier
- Nous
- Disparate
- 18 Mars 2022
- 9782370841087
Vers les terres vagues est le récit d'un voyage - dans la triple dimension de déplacement, d'enquête et de rêverie - vers la « ZAD » de Notre-Dame-des-Landes. C'est le récit à la première personne d'une expérience à la fois sensible, subjective et politique, expérience d'investigations et de rencontres, d'inventions et de relations. Enquête d'abord méditative et solitaire, puis à l'épreuve de ce « nous » qui tente de se construire à Notre-Dame-des-Landes. Récit qui s'écrit en partie en marchant, narration depuis une posture d'investigation nomade, Vers les terres vagues est un texte littéraire puissant : la langue est précise, les phrases efficaces, le récit, serré, est au service des enjeux d'une expérience subjective d'« approche » de la ZAD.
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Venise, peut-être recueille les textes qu'Andrea Zanzotto a consacrés à Venise et à la Vénétie. Mais il s'agit d'une autre Venise, peut-être : à la fois vue de très près et comme vue du ciel, prise dans un cadre plus vaste - une ville reliée, inscrite dans le temps intime et historique, dans la matière et dans l'espace. Venise n'est pas un joyau détaché, elle doit s'approcher de l'extérieur, ne se comprend qu'à travers sa lagune et son ancrage dans sa région, la Vénétie, site de terribles batailles de la première guerre mondiale et, plus tard, haut lieu de la lutte partisane. Venise, peut-être témoigne d'une certaine idée de l'écologie, du paysage et de l'habitation, où l'homme et la nature interagissent et se confrontent, où ville et nature sont le lieu d'une passion et d'un combat intimes et politiques.
La ville entière a tenu ses temps resserrés contre elle, comme les pièces d'une marqueterie : fruit et ver, bave lumineuse et scories, puanteur chaque fois changée en parfum : comme un point d'absurdité dans le présent.