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A la fin d'un dîner entre un banquier et l'un de ses amis, ce dernier s'interroge sur la manière dont ce «gros commerçant et accapareur notable» peut concilier l'exercice de sa profession avec de prétendues convictions anarchistes. Par le biais du dialogue socratique, ce pamphlet fustige les sophismes éhontés d'une bonne société «intellectuelle» qui se pique d'esprit révolutionnaire : la critique évoque irrésistiblement celle de la «gauche caviar». Publié pour la première fois en 1922, Le banquier anarchiste est le seul récit au sens strict dont Pessoa soit venu à bout. Il tenait à ce texte au point de le signer de son nom véritable et d'en prévoir la traduction anglaise en espérant pour lui une «carrière» européenne.
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«Je n'ai jamais écrit qu'ainsi : porté par plus léger que moi, dans les bras de la vie passante, de l'étincelante rumeur de vivre». Avec cette longue lettre-poème adressée à Nella Bielski, écrite pour bien plus qu'elle, Bobin s'approche plus près encore de cette limite qu'il s'est fixée : «Aucun livre ne devrait être plus pesant qu'une lumière». Et ce petit livre, léger et éclatant, qui convertit «le trop en peu, l'excès en manque», appelle à savourer la simplicité de la langue. Celle qui afflue de l'acte contemplatif et que les éléments murmurent, comme de bons conseils, aux oreilles du poète.
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Le génie de Baudelaire, qui trouve sa nourriture dans la mélancolie, est un génie allégorique.
Pour la première fois chez Baudelaire, Paris devient objet de poésie lyrique. Cette poësie locale est à l'encontre de toute poësie de terroir. Le regard que le génie allégorique plonge dans la ville trahit bien plutôt le sentiment d'une profonde aliénation. C'est là le regard d'un flâneur, dont le genre de vie dissimule derrière un mirage bienfaisant la détresse des habitants futurs de nos métropoles.
Cet «exposé», fut rédigé en français par Benjamin en 1939. Il annonce ce qu'aurait dû être Le livre des passages, resté à l'état fragmentaire, qui se voulait «une histoire sociale de Paris au XIXe siècle» et tente de «montrer comment les formes de vie nouvelle et les nouvelles créations à base économique et technique entrent dans l'univers d'une fantasmagorie. A des fantasmagories du marché, où les hommes n'apparaissent que sous des aspects typiques, correspondent celles de l'intérieur, qui se trouvent constituées par le penchant impérieux de l'homme à laisser dans les pièces qu'il habite l'empreinte de son existence individuelle privée. Quant à la fantasmagorie de la civilisation elle-même, elle a trouvé son champion dans Haussmann, et son expression manifeste dans ses transformations de Paris».
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«Nul langage ne se substituera jamais à celui qui, depuis trois mille ans, escorte en l'éclairant notre aventure. La littérature, seule, peut expliciter les signi?cations ultimes, ténues, vertigineuses qui hantent obscurément nos jours. Comme toutes les choses humaines, les oeuvres évoquées ici sont d'une heure et d'un lieu. Mais elles se sont élevées au-dessus de leur détermination prochaine pour parler à l'humanité. C'est dans cette dimension que se retrouvent Gustave Flaubert, Alain-Fournier, William Faulkner, Henri Thomas, Claude Simon, Jacques Réda et Pierre Michon.»
C'est ainsi que l'auteur introduit ce volume consacré aux grands écrivains l'ayant marqué à des titres divers. La célébration de ces héritages lance et forme une ré?exion rigoureuse sur l'écriture en elle-même, cette «activité contre-nature». Une percée philosophique qui, d'un phrasé sans graisse, vient sonder la pensée et l'économie des hommes pour y trouver, sous les rapports de force et leur historicité, quelques cruciales vérités sur ce monde et sa littérature. -
Des toits de Vibesk, où il est né, jusqu'aux rives de la Seine, Marc Chagall ériga pendant plus de quatre-vingt ans un art à la hauteur du rêve. Fête enchanteuse constellée de ?gures truculentes et qui, tout imprégnée de ses relations avec Cendrars, Apollinaire ou Éluard, de ses voyages au Mexique ou en Grèce, opposa l'amour universel aux dogmes et totalitarismes de son époque. Anges, amoureux, saltimbanques et chevaux, entre tragique et religieux, amorcent leur descente des cieux pour célébrer l'existence. La peinture se fait danse. Un bouquet surréaliste, brassant folklore russe et tradition juive, dont l'érudit Mandiargues, de toile en toile, tire au clair toute l'intime symbolique. Publié en 1974 par Maeght, il n'existe pas plus brillant témoignage du lien unissant poésie et peinture que ce survol élogieux de l'oeuvre chagalienne par le verbe féroce d'André Pieyre de Mandiargues.
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Ce sont treize lettres adressées au Vous derrière lequel se dérobe la bien-aimée. L'auteur y embrasse la solitude qui ne se défaît jamais de la condition amoureuse. Une écriture cousue d'or et qui sonne comme une évidence, distinguable de toutes les autres par sa pureté. Au fil de ce monologue, l'âme - entre délivrance et tourment - se voit prodiguer quelques belles étoiles, «rayons de miel fauve» qui ne manquent pas de résonner jusqu'au coeur. C'est, depuis les années 80, ce verbe inimitable qui a permis à Christian Bobin d'acquérir la ferveur de plusieurs générations de lecteurs. Publié pour la première fois en 1987, ce titre était indisponible depuis cinq années. Cette nouvelle édition comble ce vide.
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C'est la question du rythme que pose ce livre. Le rythme, fondamental et atemporel, qui dirige, des atomes aux grandes ?gures astrales, le mouvement de l'univers. Ainsi, bipèdes assurés et assoiffés de savoir, les hommes ont par la danse, profane ou religieuse, célébré leur appartenance réciproque à ce Tout jamais totalement immobile.
Érudit et plein d'humour, le poète-mélomane livre ici de précieuses clefs historiques sur une pratique qui, à chaque époque, a su libérer les corps. Du contre-temps du fox-trot, emblématique du jazz, au tournoiement de la Valse, sans oublier les acrobaties du Hip-hop et les cadences battantes du Rock, il démontre que la danse - comme le vers poétique - est un domaine où le sacré, l'élémentaire et le naturel sont restés perceptibles. Face à l'orgueil d'une espèce qui ne jure désormais que par le progrès scienti?que et les hauts rendements, ces écrits soutiennent ardemment que là, sous chaque pas de danse, résonnent les suprêmes principes de l'existence. -
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Léon-Paul Fargue, célèbre arpenteur parisien et poète hanté par la nostalgie, brilla également dans l'exercice du portrait de nombre de ses amis (Maurice Ravel par exemple) ou des grands aînés de la littérature et de la peinture. Ce texte - publié en 1946 et depuis longtemps introuvable - est un éloge furieux d'un des plus grands peintres espagnols et, sans aucun doute, de l'histoire. De Séville à la cour du roi Philippe IV, ce «mystique qui ne veut point dire son nom» sut faire surgir, sur le visage des hommes, toute la complexité des songeries qui, de l'intérieur, les consumaient. Face à ses tableaux que l'on admire au Prado, au Louvre, à Londres, à Vienne, Fargue décèle une immobilité incantatoire qui pousse à la méditation et aux souvenirs. Il pointe le peintre des rapports vrais, «le véritable peintre de l'Incarnation», qui ?t de l'être humain son sujet le plus précieux. Là où «dans les contraintes de la vie of?cielle, dans les disciplines de la vie d'apparat», l'homme se tient en équilibre entre la vertueuse maîtrise de soi et une nature passionnelle, violente, qui ne peut jamais vraiment se dérober. Là où Vélasquez régna tel un seigneur.
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Découvrez Une vieille histoire, le livre de Jonathan Littell
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Gauguin dans son dernier décor et autres textes de Tahiti
Victor Segalen
- Fata Morgana
- 2 Février 2024
- 9782377921515
Jeune médecin de la marine, Victor Segalen est affecté à Tahiti en 1903. Il y manque de peu Paul Gauguin, mort l'année précédente sur l'île d'Hiva-Oa, mais en dresse un portrait publié pour la première fois dans le Mercure de France en 1904, accompagné ici d'inédits. Extraits de journal, projets morcelés et correspondances viennent enrichir ce volume, ancrés dans les terres lointaines du Paci?que. L'explorateur remonte, valsant entre ré?exions métaphysiques et poésie, le vécu tahitien du peintre, suivant sa trace à l'aune de son art, tout imprégné de la culture Maorie et de son tragique présent. Se révèle le lien profond qui, sans qu'ils ne se soient jamais rencontrés, unissait ces deux artistes majeurs de leur temps, tout deux captivés par la beauté spirituelle et les mystères exotiques de ses paysages et de leurs civilisations. Des écrits poignant, précieux pour tous les amoureux des arts et du dépaysement.
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« Créer un poncif, c'est le génie » écrivait Baudelaire dans Fusées. C'est, semble-t-il, ce à quoi s'attache Michaux, à sa manière, dans ce texte encore une fois inclassable, publié initialement en 1983. Ce poncif est celui de l'enfant-artiste (enfance de l'art diront certains) qui obsède les artistes du vingtième siècle - on songe à Picasso - fascinés qu'ils étaient par la question de l'origine et du geste primitif. Apologie de l'enfance, de la liberté de création, de l'authenticité en art, Les commencements sont une double invitation : d'abord à un retour en arrière, en ce temps peut-être rêvé où la simplicité faisait loi. Invitation ensuite à un refus, au refus de ce que Michaux lui-même appelle «l'enrégimentement adulte», qui amène le petit d'homme à ne plus croire au miracle, et à déserter l'Inconnu. Ce traité sur les dessins de l'âge tendre montre qu'avant toute maîtrise de la technique et du message, avant la recherche et l'effort, viennent la couleur, le trait, la forme.
De leur découverte et répétition naît cette sensibilité à laquelle chacun doit rester fidèle. -
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Dans Bouvard et Pécuchet (1881), roman inachevé publié à titre posthume, Gustave Flaubert campe l'histoire d'un duo parmi les plus truculents de la littérature. Deux compères frénétiques, voulant tout expérimenter, grapillent des bribes de savoir au fil de leurs lectures sans jamais rien comprendre convenablement, incapables finalement de parvenir à quoi que ce soit.
Tourmentés d'introspection, ils reviennent, décidés cette fois à «vivre pépère». Pour cela ils entament un grand ménage parmi les débris de savoir glanés et, pour redorer leur blason, se lancent un nouveau défi : écrire la fin du livre qui ternit leur image. Se doutent-ils seulement que ces pages, dont ils se croient une nouvelle fois les héros, dissimulent un nouveau tortionnaire ? Ce nouvel auteur, penché sur leur figure, manie à son tour les bribes de choses lues (Joyce, Proust, Cingria, Balzac, Borges...) que sa mémoire - ce buvard pelucheux - a bien voulu accrocher au passage. La littérature, prise au piège, se retourne sur elle-même : le style n'est-il jamais spontané ? -
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En avril 1915, Apollinaire, parti au front, reçoit le quatrain prometteur «d'une femme de France» signé du pseudonyme Yves Blanc sous lequel se cache Jeanne Burgues-Brun, poète et romancière résidant à Montpellier. Quatre vers qui deviendront son «talisman» protecteur et qui lançeront, entre les deux écrivains, une correspondance, de marraine à filleul de guerre, d'une soixantaine de lettres. Les mots affectueux de la jeune femme, dotée d'une certaine audace et n'hésitant pas à faire d'Apollinaire son «maître», plaisent au poète qui, en réponse, manie l'écriture géniale et impétueuse qui a construit son oeuvre. Ces deux esprits érudits content leur quotidien, s'échangent leurs impressions sur le conflit, l'époque, le sentimental, vacillent entre légèreté et fièvres amères. Animés du même goût pour la littérature, leurs considérations poétiques viennent enrichir les espoirs et les craintes que la période inflige inévitablement à ses acteurs et ses témoins.
Ce volume associe pour la première fois les envois de la marraine, jusqu'alors totalement inédits, à ceux de son célèbre «bleu soldat de rêve» qui furent publiés, séparément en 1951, amputés de nombreux passages.
La préface de Pierre Caizergues vient détailler l'importance et le caractère exceptionnel de cet ensemble désormais complet. -
Jacques Gamblin a interprété le facteur Cheval au cinéma en 2018. Rentrer dans la peau de cet homme marqué par les drames, obsédé par l'édi?cation de son Palais idéal, a bouleversé l'acteur. Pour l'interroger comme pour le remercier, il écrit cette intense lettre, lue à la radio en 2020 et jusqu'ici restée inédite.
Les mots reviennent sur son appropriation du rôle qui dessine - fort des tourments que l'exercice in?ige - une existence rude et hors du commun. Comment marcher dans les pas d'un homme entièrement dévoué à glori?er, par la pierre et l'empreinte, la beauté du monde ? Peut-être en décelant dans ce projet monumental, physique et granitique, toute la magni?cence des idéaux mystiques qui l'ont fondé et se sont révélés en silence. Le Facteur et l'acteur se confondent, un costume de souffrance et d'abnégation ?nit par pénétrer la peau et y déposer sa folie, «cette folie qui fait du bien et du bon». -
D'abord le portrait d'un ami, ces quelques pages - publiées en 1932, jamais reprises - dépeignent Raoul Dufy comme un tenace fantaisiste qui, tout en assurance, n'eut jamais peur d'affronter les sentes les plus périlleuses pour mener à bien son oeuvre.
D'un optimisme intraitable, l'artiste aux innombrables facettes, ?gure du XXe siècle, ne recule devant rien - pas même l'achat fictif d'un château provencal - et finit par s'ériger en modèle. Cet «inventeur de formes», voisin de la tradition, empreint de modernisme, baigna dans la nature pour mieux s'en éloigner. Il s'appliqua, dans ses domaines de prédilection que furent la gravure sur bois et l'impression sur étoffes, à n'être soumis à aucune domination. Fernand Fleuret, poète et critique, conte les aventures de son «cher étourdi», détaille sa technique et, en seulement quelques pages, nous fait vivre l'art et l'amitié. -
Pierre Bergounioux présente ce texte haletant, philosophie de la guerre et du temps, par ces quelques mots : « Universellement connu sous l'appellation de Forteresse volante, le Boeing B-17 fut l'instrument principal des bombardements stratégiques qui ruinèrent l'Allemagne. Il emportait dix hommes sur des distances supérieures à trois mille kilomètres, dans l'hiver inexploré des hautes altitudes battues par le feu ennemi. Leur aventure collective n'a pas été contée. Ses possibles interprètes n'y ont pas survécu. A partir d'une image de B-17 en perdition, on a épilogué sur les chances du récit, la liaison toujours incertaine entre l'événement et sa relation.» Extrait : Pour les Anciens, déjà, la guerre était mère de toutes choses. C'est pour exterminer qu'on innove, qu'on passe du silex au bronze puis au fer, de l'arc à l'arquebuse. Ça a pris des millénaires. Les forgerons oublièrent qu'ils avaient succédé aux tailleurs de pierre. L'espèce découvre tard qu'elle a une histoire et c'est tout récemment que ceux qui la font savent qu'ils l'accomplissent. Il a fallu, pour cela, que le devenir précipite son rythme, que des changements significatifs apparaissent dans l'étroite frange que forment, entre le peuple innombrable des morts et celui, futur, qui attend son heure, dans les limbes, les trois générations de vivants.
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Ecrits sur l'art par Gustave Moreau sur ses oeuvres et sur lui-même : Théorie et critique d'art
Gustave Moreau, Peter Cooke
- Fata Morgana
- 5 Avril 2024
- 9782377921591
Pendant trente ans, Gustave Moreau (1826-1898) nota pour lui-même et pour sa mère des réflexions sur son travail, les sujets qu'il traitait, les oeuvres qui le touchaient, ses lectures, ses rencontres, ses rêves. Ayant interdit la publication de ces textes, il s'y permet une sincérité totale et on y trouvera non seulement des jugements féroces sur ses contemporains les plus illustres, mais surtout les fantasmes du peintre symboliste le plus secret, controversé et troublant de son temps. L'ensemble est établi par Peter Cooke, universitaire anglais, à partir des manuscrits originaux conservés au Musée Moreau, et préfacé par Geneviève Lacambre, ancienne directrice du musée.
La première partie du volume rassemble les écrits du peintre sur lui-même et sa propre oeuvre, toute imprégnée par les mythes antiques et les récits bibliques ; la seconde, ceux du Moreau théoricien et critique d'art -
Ce livre est le dernier que nous avions publié de Christian Bobin en 2011 : presque immédiatement épuisé il manquait depuis bientôt une décennie. Sa poésie garde la fraîcheur des premiers volumes mais porte cette fois sur un peintre inconnu, ou «le peintre inconnu» pourrait-on dire, comme tant d'autres, gardien de musée, se cachant pour dessiner des portraits solitaires.
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" Qu'il meure de ma main ou que je meure de la sienne, il n'assouvira pas sa faim, il n'entendra pas le mot de l'énigme ; pas plus que je ne l'entendrai, moi, Aetius. Tout cela me lasse jusqu'à la mort. Tout cela doit être. Combattons. Des chevaux galopent, des flèches passent comme un vol d'ibis. Mon casque. "