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Cornelius
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Alerte ! Enid et Becky, les enfants terribles de Daniel Clowes, sont de retour ! Et elles n'ont pas perdu une once de cynisme.
Enfin ! Le temps est venu pour Ghost world de rejoindre le catalogue Cornélius, auprès du reste de la progéniture de Daniel Clowes (David Boring, Wilson, Mister wonderful), le grand peintre de la cruelle banalité de la vie quotidienne.
Près de vingt ans après sa première parution chez Fantagraphics Books, Ghost world, dont les héroïnes ont toujours la peau grasse, est LE roman graphique emblématique de l'adolescence désabusée. Clowes s'immisce dans la vie d'Enid et Becky, à cet âge ingrat qu'elles sont prêtes à quitter, non sans regrets inavoués.
En retraçant l'été des deux amies jusqu'ici inséparables - mais cela ne saurait durer - Ghost world évoque leur petite existence minable, dans un bled tout aussi minable du fin fond des États-Unis.
Enid Coleslaw (mais ?! c'est l'anagramme de Daniel Clowes !) et Rebecca Doppelmeyer posent un regard glacial sur le monde et les adultes qui le peuplent, à commencer par leurs parents, qui ne sont pour elles que des enveloppes charnelles sans convictions à qui elles désespèrent de ressembler un jour. Va pourtant se poser la question, à l'issue du récit, de savoir ce qu'il adviendra de leur vie désormais.
Une fois encore, Daniel Clowes crache au visage de l'Amérique conformiste et propose sa vision d'un « monde de fantômes » vide de sens, où des étincelles de beauté peuvent naître là où on ne les attend pas.
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Bercé par les bras de Tateishi, quartier de Tokyo défavorisé hanté par les prostituées et les yakuzas, Tadao Tsuge, pionnier du manga alternatif des années 60, nous renvoie l'angoissant reflet de cette civilisation japonaise, marquée au fer par la Seconde guerre mondiale, ayant tant influencé ses oeuvres. Tsuge donne naissance à des personnages au caractère irascible pris dans un tourbillon de situations plus qu'improbables, dont certaines sont inspirées de sa propre vie, notamment celles ayant lieu dans une banque de sang clandestine (la vente de sang est officiellement interdite au Japon en 1968) où au sein d'un cercle familial violent. Différant de son frère, Tadao Tsuge dénue de tout romantisme et de toute sensualité la rudesse de la vie du peuple japonais avec une précision digne du reportage journalistique. Il s'attache à dépeindre sans fard les petits, les laissés-pour-compte, les truands et les proxénètes, les prostituées, les fous, les alcoolos, qui luttent chaque jour pour leur liberté, la quête de sens ou simplement leur survie. Tout un bestiaire sur lequel les autorités de l'époque, tirant le pays à marche forcée vers la reconstruction et le progrès, préfèrent fermer les yeux.
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Mizuki pose une question aujourd'hui encore sans réponse : qui était Hitler ? Pour circonscrire cet effrayant mystère, il convoque les avatars du Führer : l'étudiant famélique, le caporal bavarois, l'agitateur politique, le chancelier du Reich, le chef de guerre.
De la synthèse de ces images multiples et contradictoires naît un personnage rusé et naïf, cabotin et cruel, inquiétant et ridicule, silhouette dérisoire qui sifflote, enrage, pleure et répète : "Mon empire durera mille ans". Son expression se concentre dans ses moustaches et dans un regard, tour à tour hypnotique comme celui de Mabuse, ou mouillé comme celui en battu. Pour décor, le mangaka use de photos d'archives, qui soulignent la froide réalité de la tragédie mais créent aussi l'ambiance expressionniste et angoissante d'une Allemagne hantée, possédée, où rôde la Mort montée sur son cheval pâle.
Claier et didactique, cette biographie déroule les étapes d'une catastrophe implacable, rythmée par le bruit des bottes. Si elle reproduit parfois la légende hitlérienne, noire ou dorée, elle évite de diaboliser son sujet, qui demeure humain, trop humain. Terré dans son bunker, l'artiste frustré meurt sous l'écroulement de son oeuvre, le Reich de mille ans. Il n'est plus qu'un cadavre anonyme parmi des millions d'autres.
Le charnier de l'Histoire engloutit les victimes et leurs bourreaux. Les ruines de Berlin font écho à celles de Hiroshima ou de Nagasaki. La folie de Hitler est celle d'un homme, de tous les hommes.
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Lorsque Jérémy et Gabriel décident d'adopter Sacha, un adorable bébé hybride akutézoïde, ils ne se doutent pas du terrible avenir qui les attend. Sept ans plus tard, Sacha est devenue une petite fille tout a fait normale. En apparence seulement. Car elle communique secrètement avec ses semblables grâce à l'antenne télépathique qui orne son front. Et voilà qu'un beau jour, les hybrides décident d'un commun accord de quitter la Terre pour retourner sur leur planète d'origine...
Dans cette première bande dessinée, Ludovic Lalliat nous plonge dans un univers de science-fiction sombre et brutal qui interroge en profondeur la notion d'intelligence collective et ses conséquences sur les libertés individuelles. Que reste-t-il du libre arbitre et de l'identité dans une société où chaque individu est connecté dès son plus jeune âge à un réseau de pensée commun ? Comment s'émanciper d'un système bâti sur l'ultra-communication?? À travers ce récit haletant sur fond de drame social, Ludovic Lalliat explore des problématiques modernes dans un univers qui n'est pas sans rappeler celui d'Akira de Kastuhiro Otomo.
Servi par un style expressif et un rythme soutenu qui évoque le travail d'Alex Toth ou de Frederik Peeters, Akutézoïde est une oeuvre dont la maîtrise technique témoigne d'une grande maturité. Loin de tomber dans les clichés et les poncifs du genre, Ludovic Lalliat nous prouve que la science-fiction n'a pas encore dit son dernier mot. -
Le mangaka évoque les difficultés du métier à travers sa propre expérience. Il raconte ses années de galère pour percer dans le milieu, son retour en Nouvelle-Guinée et la nostalgie du bonheur dans un Japon en pleine expansion économique et culturelle.
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Le succès sans commune mesure de la bande dessinée au Japon, son ancrage dans la société, sa forme unique et ses thèmes de prédilection, s'expliquent une fois placés en regard de l'Ere Showa (1926-1989). Les biographies des pionniers du manga, de Vie de Mizuki de Shigeru Mizuki à Une vie dans les marges de Yoshihiro Tatsumi, témoignent autant de l'explosion d'un art populaire que de cette période parmi les plus complexes de l'histoire du Japon.
La Vie de Mizuki rappelle qu'en un peu plus d'un siècle, cet archipel presque exclusivement constitué de villages de pêcheurs s'est mué en l'une des plus grandes puissances industrielles mondiales. Entre-temps, un élan de modernité et de nationalisme a emporté ses hommes vers la guerre, avant de rapatrier les survivants sur une terre occupée, en perte d'identité, en marche d'industrialisation forcée, démunie de son armée et de son besoin de produire de l'énergie.
Cette société qui n'aurait plus besoin de se défendre ni de se nourrir allait accoucher d'une forme d'expression naturellement enfantine, mais d'une richesse indéniable : le manga. Shigeru Mizuki, cet artiste qui a ressuscité le goût du folklore au Japon, incarne plus que quiconque cette édifiante réaction artistique face au poids de l'Histoire : celle d'un homme qui a perdu un bras au combat et rentre dans son pays pour donner vie à un courageux fantôme à qui l'on a volé un oeil.
Récit d'un destin hors du commun, témoignage unique sur la mutation d'un monde, Vie de Mizuki est une extraordinaire fresque romanesque qui embrasse un siècle de chaos et d'inventions.
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Durant la période couverte par ce sixième volume, la production de Yoshiharu Tsuge connaît un nouveau passage à vide. Marqué par la dépression, affaibli par les traitements psychiatriques auxquels il est soumis et fatigué par les efforts que lui demande la bande dessinée, Tsuge est bien décidé à renoncer à son métier pour devenir antiquaire. Après les trois premiers récits qui ouvrent Désir sous la pluie, il cesse de publier pendant presque trois ans, ne revenant à la bande dessinée qu'en 1984, sur l'insistance de l'éditeur Hiroshi Yaku, qui propose de créer un trimestriel autour de son nom. Tsuge livre des récits moins torturés que dans Saisi par la nuit (oeuvres 1975-1981) et se montre étonnamment régulier. Puisant majoritairement son inspiration dans son enfance et sa jeunesse au dépend des visions oniriques qu'il avait privilégiées les années précédentes, il donne des suites ou des compléments à des histoires publiées par le passé. Mais, fidèle aux principes du Watakushi manga (le manga du moi), il s'attache moins à la réalité des faits qu'à la vérité des émotions. Il se représente sous des identités et des visages changeants, moins soucieux de raconter ses souvenirs que de suivre le fil impressionniste de ses perceptions. Il laisse aussi libre cours au déploiement de ses obsessions sexuelles, brodant sur des bases autobiographiques les motifs récurrents de ses fantasmes. La forme des récits et leur traitement graphique affirment une quête de simplicité entièrement dirigée vers l'expression de la complexité émotionnelle. Tsuge trouve ici sa pleine maturité, quelques mois avant d'entamer L'homme sans talent.
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Connaissez-vous le pêche à la barbe, le caressage de mognoles ou encore le dressage des pijaunes ? Dans Creuser Voguer, Delphine Panique nous invite dans son monde poétique et fantaisiste pour mieux nous parler de la dure réalité des travailleuses saisonnières. À travers dix histoires, imaginées comme des témoignages sensibles, nous suivons les journées harassantes de Plopine, Raoula ou de la jeune Flippa qui ont chacune quitté leur foyer pour un travail de misère le temps d'une saison.
L'imagination fertile de Delphine Panique se met ainsi au service d'une vérité invisible, la précarité économique des femmes, mères de famille ou célibataires, contraintes de s'exiler pour subvenir aux besoins financiers de leurs familles. Avec finesse, l'autrice nous parle de la fatigue subie, de l'ingratitude des tâches, du mal du pays, du manque des siens et de la solidarité qui naît, malgré tout, entre les travailleuses.
De la banquise hivernale au champ estival, le lecteur explore le monde à la fois révolté et poétique de Delphine Panique qui nous invite à la rêverie, à la divagation et au voyage mais aussi à une profonde remise en question de notre hiérarchie sociale, qu'elle soit économique, de genre ou de classe. -
Temps présent et adversité sont les angles immuables des histoires d'Adrian Tomine, qui laissent le sentiment que rien ne changera jamais. Depuis ses débuts, cet Américain d'origine japonaise décline dans sa série Optic Nerve des parenthèses de vie contemporaine, traversées par des hommes et des femmes harassés par leur quotidien. La manière soudaine et presque arbitraire dont s'ouvrent et s'interrompent ces chroniques laisse le plus souvent abasourdi, et concourt à identifier son style si particulier. Car si Tomine décrit des personnages dont la vie se sclérose peu à peu autour d'un quotidien banal, il ne cesse de réinventer son style, faisant évoluer sa grammaire à l'aide d'expériences formelles, comme pour conjurer par l'art un destin qu'il semble redouter pour lui-même. Ce nouveau recueil confirme ainsi son intérêt récent pour la couleur, accompagnant une forme de nostalgie pour la bande dessinée classique et un goût pour les constructions graphiques. Le lecteur passe ainsi d'un récit introspectif à la première personne, illustré par des cartes postales dépeuplées, à un gaufrier extrêmement dense de cinq bandes dans lequel la répétition devient rythmique. Avec l'âge, le cynisme des débuts a cédé la place à une forme d'empathie empreinte d'ironie. Adrian Tomine rejoint ici son influence majeure, Yoshihiro Tatsumi, ce maître de la bande dessinée japonaise qui lui a permis de conjuguer ses deux cultures, le Japon et L'Amérique, le Gekiga et le Comics underground, pour se forger un langage à son image. Un langage qui, loin des effets faciles, déploit les moyens de la bande dessinée pour se consacrer à la peinture la plus juste possible de la condition humaine moderne.
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Tout commence par un arbre terrassé par le vent, puis des notes de guitare sur un air manouche, de l'herbe pailletée par les cendres, une réunion de gueules cassées, l'infinie recherche de la courbe parfaite... Ludovic Debeurme rassemble ses multiples souvenirs pour réaliser un autoportrait tout en nuances.
Avec une grande douceur, il retrace son histoire, celle de ses parents et de ses grands-parents pour explorer la notion de filiation dans tout ce qu'elle a d'immuable et paradoxalement de changeant. Au fil des pages, il recrée des liens avec sa généalogie mais aussi avec le monde qui l'entoure jusqu'à développer une vraie conscience de l'écosystème avec lequel il cohabite.
Le temps paraît malléable, Debeurme laisse libre cours à ses pensées qui se déversent dans des compositions fluides et dansantes. Il nous propose un véritable retour aux sources, à l'essence même de l'être humain, porté par ses traits épurés où la force de la ligne s'exprime avec vigueur. En replongeant dans son histoire familiale pour recomposer les fragments de son identité, Ludovic Debeurme offre une autobiographie sensible et puissante qui soulève la question de la transmission et de l'héritage informel. Tout en finesse, il convoque en chacun de nous une question universelle : quelle part de notre identité doit-on à nos parents et comment nous en affranchir ? -
Shigeru Mizuki est né en mars 1922 à Sakai-minato, petite ville côtière du sud-ouest du Japon. Il connaît dans cette province tranquille une enfance libre et heureuse, période faste dont il s'inspirera à de nombreuses reprises dans ses mangas. Très tôt, il montre des aptitudes étonnantes pour le dessin, talent encouragé sans réserve par ses parents. Il a à peine vingt ans lorsque la guerre du Pacifique vient interrompre ses espoirs de carrière.
Enrôlé dans l'armée impériale japonaise, il est envoyé dans la jungle de Nouvelle-Guinée, où il va vivre un véritable cauchemar: il contracte rapidement la malaria, assiste à la mort de ses camarades et perd le bras gauche dans un bombardement... Détenu sur place à la fin de la guerre, il se lie avec les membres d'une tribu locale, amitié qui le sauvera de la famine, de la maladie et de la folie. Ce n'est finalement qu'en 1957, après une vie déjà trop riche de souvenirs et de blessures, qu'il entame la carrière de mangaka qui a fait de lui l'un des plus grands raconteurs d'histoires de son pays.
Auteur singulier et généreux, il ne cesse d'explorer tout au long de son oeuvre les univers qui se cachent derrière notre monde pour mieux dire sa profonde compréhension de l'âme humaine, et communiquer à ses lecteurs l'empathie qu'il éprouve pour toutes les formes de vie. Après NonNonBâ et Opération Mort (Fauves du Meilleur Album et du Patrimoine en 2007 et 2009 au festival d'Angoulême), les éditions Cornélius présentent avec Vie de Mizuki un autre chef-d'oeuvre et une nouvelle facette de ce géant du manga.
Le succès sans commune mesure de la bande dessinée au Japon, son ancrage dans la société, sa forme unique et ses thèmes de prédilection, s'expliquent une fois placés en regard de l'Ere Showa (1926-1989). Les biographies des pionniers du manga, de Vie et Mizuki de Shigeru Mizuki à Une vie dans les marges de Yoshihiro Tatsumi, témoignent autant de l'explosion d'un art populaire que de cette période parmi les plus complexes de l'histoire du Japon.
La Vie de Mizuki rappelle qu'en un peu plus d'un siècle, cet archipel presque exclusivement constitué de villages de pêcheurs s'est mué en l'une des plus grandes puissances industrielles mondiales. Entre-temps, un élan de modernité et de nationalisme a emporté ses hommes vers la guerre, avant de rapatrier les survivants sur une terre occupée, en perte d'identité, en marche d'industrialisation forcée, démunie de son armée et de son besoin de produire de l'énergie.
Cette société qui n'aurait plus besoin de se défendre ni de se nourrir allait accoucher d'une forme d'expression naturellement enfantine, mais d'une richesse indéniable: le manga. Shigeru Mizuki, cet artiste qui a ressuscité le goût du folklore au Japon, incarne plus que quiconque cette édifiante réaction artistique face au poids de l'Histoire: celle d'un homme qui a perdu un bras au combat et rentre dans son pays pour donner vie à un courageux fantôme à qui l'on a volé un oeil.
Récit d'un destin hors du commun, témoignage unique sur la mutation d'un monde, Vie de Mizuki est une extraordinaire fresque romanesque qui embrasse un siècle de chaos et d'inventions.
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Saisi par la nuit (oeuvres 1975-1981)
Yoshiharu Tsuge
- Cornelius
- Pierre
- 23 Septembre 2021
- 9782360811908
Le marais (1965-1966), Les fleurs rouges (1967-1968), La vis (1968-1972) puis La jeunesse de Yoshio (1973- 1974) nous montraient Yoshiharu Tsuge atteindre progressivement la pleine puissance de son art et fonder le watakushi manga (la bande dessinée du moi). Après la publication de Neiji Shiki (La vis) en 1968, Tsuge poursuit son exploration de l'autofiction, incluant désormais une part autobiographique et onirique dans son travail. Après son passage dans la revue Garo, Tsuge ne cesse de se réinventer et commence à tisser la suite de sa carrière bien que ses publications se fassent de plus en plus rares.
Publiés dans différents magazines entre 1975 et 1981, les douze nouvelles qui composent ce volume s'inscrivent dans une période sombre de la vie de Yoshiharu Tsuge.
Alors qu'il devient père, Tsuge s'éloigne du manga pour se concentrer sur sa vie familiale. L'emprise du réel se fait de plus en plus suffocante, et les angoisses qui le hantent depuis de nombreuses années se cristallisent à travers ses cauchemars, qui deviennent le sujet de plusieurs histoires.
Il poursuit ainsi le procédé mis en pratique dans La vis et utilise la bande dessinée comme un exutoire de son inconscient tourmenté. Au milieu de tous ces rêves inquiétants, certaines histoires plus apaisées viennent contrebalancer la noirceur. Tsuge s'inspire de sa vie de couple et de ses voyages pour apporter un ton plus léger à ses récits, dans lequel le narrateur est cette fois accompagné.
Ce cinquième volume de l'anthologie est marqué par les sentiments contrastés que Tsuge ressent durant cette période de sa vie. Oscillant entre désespoir et moments d'accalmie, les histoires qu'il écrit sont le reflet de ses émotions tortueuses.
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Ces histoires courtes ont été publiées dans les années 1970 dans les pages du célèbre magazine de manga d'avant-garde Garo (qui révèlera Shigeru Mizuki, Yoshiharu Tsuge ou Seiichi Hayashi...). Inspirées par l'enfance de l'auteur dans un petit village de bord de mer au sud de la péninsule de Bôsô, les histoires d'Anzai Mizumaru s'attachent à retranscrire un moment fugace, le passage à l'âge adulte. Une période de transition et de flottement incarnée par la couleur bleue du ciel nocturne, juste avant le naissance de l'aube.
Entre chroniques nostalgiques et instantanés poétiques, Anzai Mizumaru s'inspire de ses souvenirs pour évoquer l'atmosphère moite du village portuaire dans lequel il a grandit. La naissance de nouvelles émotions, les tourments de l'amour, les coutumes folkloriques ou encore la passion naissante du dessin sont autant de nuances ajoutées à sa palette onirique. Avec un trait plein de douceur et de sensibilité, Mizumaru invite le lecteur à se connecter à ses propres expériences et à ressentir les sentiments délicats qui accompagne la transition vers l'adolescence. Une « période bleue » bercée de sensations éphémères et précieuses, évoquée avec épure à la manière d'un recueil de haïkus. -
Acteur incontournable d'une époque fondatrice du manga, Yoshihiro Tatsumi offre, avec Une vie dans les marges, un témoignage exceptionnel sur les milieux éditoriaux et le Japon de l'immédiate après-guerre. Fresque autobiographique, roman social et document historique, ce livre-somme est un chef-d'oeuvre capable de toucher le passionné comme le néophyte.
Pour l'amateur de bande dessinée, il donne à voir de l'intérieur la manière dont le manga s'est construit dans ces années-là, passant en peu de temps de l'âge d'or à l'âge industriel. Il invite dans cette évocation les figures mythiques de ce domaine et nous les montre telles qu'elles étaient avant que l'histoire ne les statufient.
Pour le profane, Une vie dans les marges dresse un tableau unique du Japon des années d'après-guerre et de ses classes populaires luttants pour la survie quotidienne. De l'essor économique des années 1950 jusqu'aux crises des années 1960, Tatsumi dépeint avec force un pays et une société en pleine mutation.
Oeuvre de longue haleine dont la réalisation s'est étalée sur plus de dix ans, Une vie dans les marges est d'ores et déjà un ouvrage de référence récompensé au Japon et aux États-Unis par les prix les plus prestigieux. -
Les fleurs rouges (1967-1968) et La vis (1968-1972) nous montraient Yoshiharu Tsuge atteindre la pleine puis- sance de son art et fonder le watakushi manga (la bande dessinée du moi). Cette troisième parution (chronologi- quement le premier volume de l'anthologie consacrée à Tsuge) propose de retrouver l'auteur alors qu'il vient d'inté- grer la revue Garo. Il n'en est pas à ses débuts - il a déjà presque dix ans de carrière derrière lui - mais il trouve dans l'opportunité que lui offre le magazine la possibilité de franchir une étape et de devenir un auteur à part entière.
Plus classiques et plus faciles à lire, les nouvelles réunies dans Le marais sont encore marquées par les histoires qu'il dessinait pour les librairies de prêt. On retrouve dans ces premières oeuvres le vocabulaire du gekiga, appli- qué à des récits d'aventures situés à l'époque Edo. Mais le dessin et la narration témoignent encore de l'influence de Shirato Senpei, l'auteur phare de Garo, et de la figure tutélaire d'Osamu Tezuka.
Pourtant, le ton se démarque du reste du magazine. Ce qui vaut à Tsuge des réactions négatives des lecteurs, qui ne comprennent pas le caractère novateur du Marais et de Tchiko, nouvelles tournant le dos à l'innocence et pré- figurant L'Homme sans talent (Atrabile), le livre avec le- quel Tsuge concluera sa carrière vingt ans plus tard. Déçu par ce manque d'enthousiasme, Tsuge cesse d'écrire pendant un an et devient l'un des assistants de Shigeru Mizuki, auprès duquel son dessin gagnera en maturité.
Les lecteurs ne redécouvriront les onze joyaux qui composent ce volume que quelques années plus tard, lorsque le talent de Yoshiharu Tsuge les aura définitive- ment irradiés.
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Le port de Rapallo connaît au XVIe siècle les incursions des barbaresques. Il est donc tout naturel que l'univers des marins et des pirates fascine Luciano Bottaro. Pepito naît en 1952. Il est vite adopté par l'éditeur français Sagédition, qui publie à partir de 1954 une revue éponyme. Combattant pour la justice, le corsaire commande le navire La Cacahuète et son équipage de matelots excentriques, amateurs de rhum et de tafia, de ducats et de doublons : le lieutenant Crochette, le Bosco Ventempoupe, La Merluche, Bec-de-Fer, Stockfish... Leurs aventures se déroulent dans des Caraïbes imaginaires, quelque part entre l'île de Pâques et Hispaniola, et plus précisément à Las Ananas, possession du roi Alonzo XXXIV, que dirige sa Ventripotence le gouverneur Hernandez de La Banane. Arborant le Jolly Roger, Pepito se montre fidèle à l'idéal libertaire des gentilshommes de fortune et ridiculise les ineptes représentants de l'autorité, qu'ils soient roi, officiers, nobles, fonctionnaires, médecins ou scientifiques, tous aussi stupides que cupides, à commencer par l'incapable et corrompu gouverneur La Banane. Bottaro donne ici une interprétation souvent ironique, toujours joyeuse et burlesque, proche de la commedia dell'arte, des récits de Stevenson ou de Salgari, et des grands films qu'ils ont inspirés dans les années 1940 et 1950, de Capitaine Blood à L'île au trésor.
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Acteur incontournable d'une époque fondatrice du manga, Yoshihiro Tatsumi offre, avec Une vie dans les marges, un témoignage exceptionnel sur les milieux éditoriaux et le Japon de l'immédiate après-guerre. Fresque autobiographique, roman social et document historique, ce livre-somme est un chef-d'oeuvre capable de toucher le passionné comme le néophyte.
Pour l'amateur de bande dessinée, il donne à voir de l'intérieur la manière dont le manga s'est construit dans ces années-là , passant en peu de temps de l'âge d'or à l'âge industriel. Il invite dans cette évocation les figures mythiques de ce domaine et nous les montre telles qu'elles étaient avant que l'histoire ne les statufient.
Pour le profane, Une vie dans les marges dresse un tableau unique du Japon des années d'après-guerre et de ses classes populaires luttants pour la survie quotidienne. De l'essor économique des années 1950 jusqu'aux crises des années 1960, Tatsumi dépeint avec force un pays et une société en pleine mutation.
Oeuvre de longue haleine dont la réalisation s'est étalée sur plus de dix ans, Une vie dans les marges est d'ores et déjà un ouvrage de référence récompensé au Japon et aux États-Unis par les prix les plus prestigieux. -
Shigeru Mizuki est mort le 30 novembre 2015 au matin. Ces rééditions et cette opération, prévues de longue date, le feront découvrir à de nouveaux lecteurs, quel que soit leur âge, tant il est avéré qu'il plaît à toutes les générations.
NonNonBâ a remporté le Prix du Meilleur Album à Angoulême en 2007 et le Prix du Meilleur Éditeur en 2010 à la Japan Expo. Toutes éditions confondues, le livre s'est écoulé à plus de 30 000 exemplaires et il est étudié dans certains collèges.
Opération Mort a remporté la Prix du Patrimoine à Angoulême en 2009. Il s'est écoulé à 7 000 exemplaires et est épuisé depuis 2013.
Les autres titres de Mizuki doivent aussi profiter de cette mise en avant, d'autant plus que Vie de Mizuki continue de bien se vendre et qu'il n'a pas atteint son potentiel.
Un poster sera imprimé à cette occasion, reprenant la photo qu'il nous adressa peu de temps après que NonNonBâ fut récompensé ; sa manière à lui de nous remercier et de démontrer qu'il était quelqu'un de joyeux.
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La jeunesse de Yoshio (oeuvres 1973-1974)
Yoshiharu Tsuge
- Cornelius
- Pierre
- 17 Septembre 2020
- 9782360811830
Le marais (1965-1966), Les fleurs rouges (1967-1968) et La vis (1968-1972) nous montraient Yoshiharu Tsuge atteindre progressivement la pleine puissance de son art et fonder le watakushi manga (la bande dessinée du moi).
Après la publication de Neiji Shiki (La vis) en 1968, Tsuge poursuit son exploration de l'autofiction, incluant désormais une part autobiographique et onirique dans son travail.
Après son passage dans la revue Garo, Tsuge ne cesse de se réinventer et commence à tisser la suite de sa carrière bien que ses publications se fassent de plus en plus rares.
Plus sombres qu'à ses débuts, les récits qui composent ce quatrième volume marquent ainsi l'apparition de thèmes inédits, caractéristiques de sa nouvelle orientation, et qui reviendront comme des motifs récurrents. Le quotidien en couple, la vacuité des voyages, le désir de changement de carrière ou encore les souvenirs de jeunesse deviennent des sources d'inspiration pour Tsuge, qui extériorise grâce au dessin une forme de mal-être social. Ce besoin de revenir sur les expériences marquantes de sa vie atteint son apogée avec l'histoire L'usine d'électroplastie d'Ôba, où l'auteur revient pour la première fois sur son enfance et plus particulièrement sur son travail dans un atelier d'électroplastie dans la province d'Ôba. Une période décisive sur laquelle il reviendra régulièrement jusqu'à la fin de sa carrière et qui délivre un témoignage précieux sur le mode de vie des oubliés du succès économique.
Ce nouveau volume inédit de l'anthologie que nous consacrons à Yoshiharu Tsuge, présente ainsi un auteur au sommet de son art, en perpétuelle remise en question des codes de narration de la bande dessinée, de ses thèmes et de son propre passé.
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Jin-joo est une mauvaise fille. Elle fume, découche, nargue ses professeurs et cause du souci à ses parents. Son père, un petit patron, n'a que ses poings pour exprimer sa peur de la voir mal tourner. Alors il la passe à tabac, régulièrement.
La Corée subit la crise économique de la fin des années 1990 et la violence demeure la forme la plus simple et naturelle du contact humain. Au collège, les professeurs cognent les élèves et les anciennes rossent les nouvelles.
Dans l'indifférence générale, on meurt sous les coups d'un père ou d'un petit copain. L'adolescente trouve un peu de chaleur humaine auprès de Jung-ae, la fille d'un petit voyou, encore plus paumée qu'elle. Une fugue avortée les mène jusqu'au quartier des bars à hôtesses. Si la famille de Jin-joo la récupère, la rue avale Jung-ae, qui n'aura pas de seconde chance.
Le ton âpre et désespéré d'Ancco évoque le Céline de Mort à crédit. Vivre, c'est expier. Un instant de bonheur, d'insouciance, se paie comptant. Les hommes mènent des existences lourdes, tristes et solitaires, qui se révèlent vides de sens. « Dès qu'on met le pied dehors , constate Jin-joo, c'est plein de choses incompréhensibles. » Après Aujourd'hui n'existe pas, publié par Cornélius en 2009, Mauvaises filles confirme le talent unique d'Ancco.
La construction multiplie les allers-retours entre le passé et le présent. Servie par un trait sec et précis, un noir et blanc désolé, elle rend inexorable et bouleversant ce voyage au bout de la nuit coréenne.
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Il ne faut pas plus d'une centaine de page au talent de Winshluss pour décortiquer les théories darwiniennes et illustrer par l'exemple la mince paroi séparant le singe primitif de l'homme moderne. Comédie animalière servie par un dessin ébouriffant de classe et d'énergie, Smart Monkey décrit le combat ancestral des plus faibles pour survivre face à la force brute. On connaissait David contre Goliath, on savait que l'intelligence triomphe facilement de la barbarie ; Winshluss vient nous rappeler une autre noble vérité.
À savoir qu'une petite tête ne résiste pas longtemps à une enclume...
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Nous sommes au début des années 1930, dans une petite ville de la côte ouest du Japon.
NonNonBâ, une vieille dame misérable, mystique et superstitieuse, est accueillie dans la famille du jeune Shigeru. Encyclopédie vivante des croyances et légendes populaires de la région, elle abreuve l'imaginaire déjà débordant du petit garçon d'histoires de monstres et de fantômes. Les yôkaï, ces créatures surnaturelles qui peuplent l'univers des hommes, deviennent vite les compagnons de rêverie quotidiens de Shigeru, qui trouve en eux d'excellents guides pour visiter les mondes invisibles.
Si ces voyages l'aident à fuir et à comprendre les émotions parfois compliquées qui naissent dans son coeur, ils embrouillent aussi considérablement sa vie quotidienne: il est déjà bien assez difficile de savoir à qui se fier sans que des monstres bizarres et malicieux viennent s'en mêler... En conjuguant le ton de la chronique et les ambiances fantastiques qui ont fait sa réputation depuis Kitaro le repoussant (également publié aux éditions Cornélius), Shigeru Mizuki livre avec NonNonBô une oeuvre aussi touchante qu'exigeante.
S'inspirant des jours heureux de son enfance, il écrit la partition universelle du temps qui passe, du bonheur éphémère et de l'urgence de vivre, laissant à ses lecteurs le souvenir impérissable des rivages de Sakai-minato et réveillant pour chacun d'eux les accords précieux des nostalgies les plus intimes.
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Yoshihiro Tatsumi se détache, à la fin des années 1950, des récits d'aventure utopiste pour enfant et invente un genre uniquement destiné aux adultes : le Gekiga (« image dramatiques ou théâtrales »).Forme d'écriture nouvelle, autant sur le plan thématique que graphique, le Gekiga apparait, rétrospectivement, comme la première tentative de théorisation de la bande dessinée japonaise. Yoshihiro Tatsumi cherche en effet une grammaire pour dénoncer, nouvelle après nouvelle, l'envers de la modernité japonaise.Il préfère aux séquences dynamiques les images sombres, cruelles et urbaines. Sous occupation américaine, l'archipel connaît en effet de grandes transformations sociales, à commencer par un exode rural massif et une explosion des mégalopoles. Et face à l'euphorie et à l'éloge de la modernité véhiculées par le manga de jeunesse,Tatsumi oppose les exclus et les victimes de cette transformation sociale.Père de la bande dessinée adulte et d'une nouvelle manière de raconter en images, Yoshihiro Tatsumi se double d'un portraitiste terriblement juste d'un monde bouleversé.