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«Tu m'as souvent dit vouloir écrire un jour un roman où aucun mot ne serait sérieux. Une Grande Bêtise Pour Ton Plaisir. J'ai peur que le moment ne soit venu. Je veux seulement te prévenir : fais attention. J'incline la tête encore plus bas. Te rappelles-tu ce que te disait ta maman ? J'entends sa voix comme si c'était hier : Milanku, cesse de faire des plaisanteries. Personne ne te comprendra. Tu offenseras tout le monde et tout le monde finira par te détester. Te rappelles-tu ? - Oui, dis-je. - Je te préviens. Le sérieux te protégeait. Le manque de sérieux te laissera nu devant les loups. Et tu sais qu'ils t'attendent, les loups.»
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«Dois-je souligner que je n'ai pas la moindre ambition théorique et que ce livre n'est que la confession d'un praticien ? L'oeuvre de chaque romancier contient une vision implicite de l'histoire du roman, une idée de ce qu'est le roman ; c'est cette idée du roman, inhérente à mes romans, que j'ai essayé de faire parler.»Dans sept textes relativement indépendants mais liés en un seul essai, Kundera expose sa conception personnelle du roman européen («art né du rire de Dieu»). L'histoire de celui-ci est-elle en train de s'achever ? Toujours est-il qu'aujourd'hui, à l'époque des «paradoxes terminaux», le roman «ne peut plus vivre en paix avec l'esprit de notre temps : s'il veut encore progresser en tant que roman, il ne peut le faire que contre le progrès du monde».Un des textes est consacré à Broch, un autre à Kafka, et de la première à la dernière ligne la réflexion de Kundera est une constante référence aux auteurs qui sont les piliers de son «histoire personnelle du roman» : Rabelais, Cervantes, Sterne, Diderot, Flaubert, Tolstoï, Musil, Gombrowicz... Dans deux dialogues, l'auteur parle de son propre art (art dans le sens presque artisanal du mot) : des façons de créer un «ego expérimental» (personnage), de la polyphonie, de la composition...
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Cette nouvelle traduction du grec ancien des quatre Évangiles canoniques (Matthieu, Marc, Luc et Jean) entend faire redécouvrir ces textes comme des oeuvres littéraires originales, au sein de la littérature antique juive et grécoromaine. Une littérature forgée et inventée à partir des pratiques orales d'enseignement et de discussion de la Torah (la Bible hébraïque) pendant toute la période dite du Second Temple, du vie siècle avant notre ère au Ier siècle.Une triple conviction est à l'origine de cette traduction : 1) Les Évangiles appartiennent à la culture religieuse et littéraire du judaïsme antique. 2) Rédigés dans la langue grecque de l'époque, ce sont des traductions de paroles, de discours, de citations de l'araméen et de l'hébreu de l'époque. 3) Ces textes sont des performances littéraires pour témoigner de l'enseignement d'un jeune rabbi du Ier siècle en Judée et en Galilée.Le mot «évangile» est ainsi traduit et compris comme performance : réaliser par l'écrit «l'annonce heureuse».Il s'agit de revisiter le vocabulaire traditionnel religieux, en revenant à la littéralité du grec ancien.Enfin, on découvre une autre représentation de Jésus et de sa parole. Jésus cherche moins à culpabiliser qu'à libérer, il ne fonde pas de nouvelle religion mais cherche à faire abonder, multiplier, la parole de la Torah, en direction de toutes les classes sociales. Ces textes, écrits et composés en temps de crise, dialoguent avec notre époque.F. B.
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Revu par l'auteur. Nouvelle édition en 2007
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«Confondre l'apparence physique de l'aimée avec celle d'une autre. Combien de fois il a déjà vécu cela ! Toujours avec le même étonnement : la différence entre elle et les autres est-elle donc si infime ? Comment se peut-il qu'il ne sache pas reconnaître la silhouette de l'être le plus aimé, de l'être qu'il tient pour incomparable ?»
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«Tout est douteux à Rouiba, son opulence autant que sa prétention d'être le poumon économique de la capitale. L'agriculture est un vice qui n'a plus de troupes. L'industrie bricole dans le vacarme et la gabegie. Les rapports d'experts le proclament ; mais qui les lit ? Le commerce est mort de mort violente, les mercantis lui ont ôté jusqu'à la patente. À ceux qui s'en inquiètent, des nostalgiques de la mamelle socialiste ou des sans-le-sou, les bazaris jurent que c'est l'économie de marché et que ça a du bon. Leurs complices du gouvernement, qui ont fini de chanter la dictature du prolétariat, apportent de l'eau à leur moulin en discourant jusqu'à se ruiner le gosier. Et si le Coran, le règlement et la pommade sont de la conversation, ce n'est pour ces camelotiers ruisselant de bagou qu'artifices pour emmancher le pigeon et boire son jus. Soyons justes, on ne saurait être commerçant florissant et se tenir éloigné de l'infamie ; l'environnement est mafieux, le mal contagieux ; un saint troquerait son auréole pour un étal [...] Les rapports avaient prévu la dérive ; mais qui les a lus ? Ainsi était Rouiba ; il y a peu.» Une épopée rabelaisienne dans l'Algérie d'aujourd'hui.
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«Je l'ai entendu comme un appel de l'au-delà:Va, retourne à la rue Darwin. J'en ai eu la chair de poule. Jamais, au grand jamais, je n'avais envisagé une seule seconde de retourner un jour dans cette pauvre ruelle où s'était déroulée mon enfance.» Après la mort de sa mère, Yazid, le narrateur, décide de retourner rue Darwin dans le quartier Belcourt, à Alger. «Le temps de déterrer les morts et de les regarder en face» est venu. Une figure domine cette histoire:celle de Lalla Sadia, dite Djéda, toute-puissante grand-mère installée dans son fief villageois, dont la fortune immense s'est bâtie à partir du florissant bordel jouxtant la maison familiale. C'est là que Yazid a été élevé, avant de partir pour Alger. L'histoire de cette famille hors norme traverse la grande histoire tourmentée de l'Algérie, des années cinquante à aujourd'hui. Encore une fois, Boualem Sansal nous emporte dans un récit truculent et rageur dont les héros sont les Algériens, déchirés entre leur patrie et une France avec qui les comptes n'ont toujours pas été soldés. Il parvient à introduire tendresse et humour jusque dans la description de la corruption, du grouillement de la misère, de la tristesse qui s'étend... Rue Darwin est le récit d'une douleur identitaire, génératrice du chaos politique et social dont l'Algérie peine à sortir.
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En 1968, la guerre du Vietnam bascule. La violence parvient à son paroxysme lors de l'offensive du Têt : Saigon est à feu et à sang. Au-delà de certains faits réels, Anna Moï donne à voir et à sentir le Vietnam de son enfance. Ce roman a été en partie inspiré par l'histoire authentique de deux soeurs adolescentes internées dans le bagne de Poulo Condor, au large de Saigon. À travers la mémoire des personnages, jusque dans les cages à tigres de Poulo Condor, les paysages du Vietnam restent vivaces. Odeurs, rites et secrets, couleurs : noir de la soie laquée et des ténèbres de la prison, blanc du riz et de la chaux, jaune de la carambole et des robes de bonzes, rouge des papiers démonifuges ou du sang menstruel... Riz noir est aussi le livre sur la perte de l'innocence, et un hymne aux femmes vietnamiennes, filles de dragon selon la tradition, filles d'eau et de feu, fragiles et invincibles.
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Une maison que le temps ronge comme à regret. Des fantômes et de vieux souvenirs que l'on voit apparaître et disparaître. Une ville erratique qui se déglingue par ennui, par laisser-aller, par peur de la vie. Un quartier, Rampe Valée, qui semble ne plus avoir de raison d'être. Et partout dans les rues houleuses d'Alger des islamistes, des gouvernants prêts à tout, et des lâches qui les soutiennent au péril de leur âme. Des hommes surtout, les femmes n'ayant pas le droit d'avoir de sentiment ni de se promener. Des jeunes, absents jusqu'à l'insolence, qui rêvent, dos aux murs, de la Terre promise. C'est l'univers excessif et affreusement banal dans lequel vit Lamia, avec pour quotidien solitude et folie douce. Mais voilà qu'une jeune écervelée, arrivée d'un autre monde, vient frapper à sa porte. Elle dit s'appeler Chérifa, s'installe, sème la pagaille et bon gré mal gré va lui donner à penser, à se rebeller, à aimer, à croire en cette vie que Lamia avait fini par oublier et haïr.
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Dans le sinistre bagne de Lambèse, en Algérie, de nos jours, deux détenus condamnés à mort dialoguent : un Français, Pierre Chaumet, et un Algérien, Farid. Pierre est né en 1957, à Vialar (aujourd'hui Tissemsilt). Revenu clandestinement en Algérie afin de retrouver sa mère, qui l'a abandonné à sa naissance, il a découvert un pays qui n'en finit pas de vivre avec des fantômes. Il a découvert, surtout, des vérités dangereuses sur certains aspects de la guerre d'Indépendance. Farid, lui, a participé aux atrocités commises par les islamistes ou par ceux qui les ont cyniquement utilisés. Pendant que Pierre et Farid discutent de la vie et de l'Algérie, une commission internationale des droits de l'homme s'apprête à visiter le pénitencier. L'administration de Lambèse est sur les dents... On retrouve ici la verve rabelaisienne, l'humour féroce, les morceaux de bravoure hilarants et caustiques qui faisaient le prix du Serment des barbares. À la fois réquisitoire et satire, le roman étonne et réjouit par sa truculence, sa verve iconoclaste et sa profondeur, loin des clichés larmoyants et des plaidoyers emphatiques sur les droits de l'homme et l'Algérie contemporaine.
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Après Un amour de Swann orné par Pierre Alechinsky, les Éditions Gallimard donnent carte blanche à un artiste qui a choisi d'investir l'univers de William Shakespeare. «Être ou ne pas être, nous dit Aki Kuroda, est une phrase qui a habité mon enfance sans que je ne connaisse vraiment son contexte». Adulte, il a développé une véritable passion pour ce texte du dramaturge anglais qui a été une véritable source d'inspiration. «Il s'agit d'un véritable travail de collaboration avec Shakespeare qui va au-delà du temps et de l'espace.» «J'ai téléphoné à William et nous en avons parlé» explique-t-il.
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À quoi peut bien nous servir de nos jours un tel ouvrage, rédigé dans la campagne italienne il y a plus de deux mille ans ? Virgile annonce son projet dès l'ouverture de son oeuvre : traiter des techniques et des arts de la res rustica, la matière agricole : travaux des champs, culture de la vigne, élevage et apiculture. Retraduire aujourd'hui ce poème, c'était découvrir combien ce texte résonne avec nos préoccupations et notre sensibilité contemporaines : fragilité du vivant et des espaces naturels, lien des hommes à la terre, aux végétaux et aux animaux. Célébrer notre obscure condition terrestre dont nous semblons nous éloigner toujours davantage. C'était revenir à la source de ce texte étrange, qui sous prétexte d'agriculture s'ouvre sur une réflexion beaucoup plus vaste sur l'état du monde. Un livre rédigé dans une période trouble et sanglante, et qui en porte les cicatrices. C'était montrer enfin qu'il s'agissait d'un grand poème sur la beauté autant que sur l'instabilité du monde, la guerre, la pensée de la fin des êtres et des choses, la fuite du temps.
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Est-elle sûre de son coup ? Est-ce qu'elle veut vraiment payer un homme pour qu'il passe une nuit avec elle ? Un homme qu'elle connaît à peine, rencontré une semaine plus tôt, à Buenos Aires. Ici, sur cette terre de glace et de feu ? Au milieu de nulle part ?
Elle, c'est Lisbeth Sorel. Lui, Eduardo Ros. La terre de glace et de feu ne peut être que l'Islande, en plein hiver. La nuit qu'ils vont passer ensemble sera la plus longue, la plus folle, la plus intense, la plus sombre, la plus désespérée. Et puis, le lendemain, à sa sortie, la plus lumineuse. Presque un miracle.
« Elle jette un autre coup d'oeil sur le paysage autour d'elle. Mais ce n'est pas un paysage. Il n'y a pas d'arbres, pas de champs, pas de maisons. Il n'y a rien. On dirait la lune, ce chaos volcanique à perte de vue, cette étendue noire recouverte çà et là d'une mince couche de neige. Pourtant c'est bien elle qui a voulu venir ici. Il fera froid et la nuit sera longue. Si déjà il faut qu'elle paie, autant que ça dure le plus longtemps possible. "Ce sera à Reykjavík", lui a-t-elle dit, il y a une semaine exactement, à Buenos Aires, sur le trottoir de l'avenue Scalabrini Ortiz, à quatre heures et demie du matin. Le jour commençait à se lever, et la canicule était toujours aussi humide et oppressante. Elle sentait une rigole de sueur couler sur son cou et entre ses seins. "C'est quel hôtel, Reykjavík ?" a-t-il demandé. Elle a détourné la tête pour qu'il ne voie pas le sourire moqueur au coin de sa bouche. "Ce n'est pas un hôtel, c'est une ville. Une ville loin d'ici. Je t'enverrai ton billet d'avion." »
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Ma soirée du XXe siècle et autres petites incursions
Kazuo Ishiguro
- Gallimard
- Blanche
- 21 Décembre 2017
- 9782072787515
L'Académie suédoise a décerné le prix Nobel de littérature jeudi 5 octobre à l'écrivain Kazuo Ishiguro. Selon le jury, l'écrivain britannique d'origine japonaise « a révélé l'abîme sous notre illusoire sentiment de confort dans le monde ». Kazuo Ishiguro a prononcé son discours de remerciement le jeudi 7 décembre.
Dans Ma soirée du XXe siècle et autres petites incursions, Kazuo Ishiguro revient avec malice et une certaine dose d'autodérision sur les étapes de son parcours d'écrivain, notamment sur un certain soir où il s'est senti poussé à écrire son premier roman, se déroulant au Japon.
Il dévoile ses sources d'inspiration - littéraires, musicales et cinématographiques - qui l'ont poussé à changer sa façon d'écrire pour tenter de faire mieux. Il explore également la relation qu'il entretient avec le pays dans lequel il a vu le jour et avec l'Angleterre, son pays d'adoption.
Mais surtout, il milite pour un ralliement général à la lecture, dont l'importance à travers le monde est pour lui capitale. Un texte autobiographique plein de finesse qui ravira les lecteurs d'Ishiguro et poussera ceux qui ne le connaissent pas encore à se plonger dans la lecture de son oeuvre.
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Figure emblématique de la littérature du XXe siècle, Samuel Beckett est avant tout connu et reconnu pour sa prose et son théâtre. Ce premier volume de lettres qu'il écrivit de 1929 à 1940 nous offre un portrait personnel et vivace de l'écrivain qui fut également un grand épistolier. Après avoir été lecteur d'anglais à Paris à l'École Normale Supérieure, il revient à Dublin pour enseigner à Trinity College, et démissionne au bout d'un an et demi, retourne ensuite à Paris, avant de gagner Londres, où il suit une psychanalyse à la Tavistock Clinic. Il relate son voyage à travers l'Allemagne entre 1936 et 1937 avant de s'installer de nouveau à Paris jusqu'à l'aube de la Seconde Guerre mondiale.
Au fil des années, la genèse, souvent difficile, de ses premières oeuvres apparaît : son essai sur Finnegans Wake de Joyce, son étude sur Proust, son recueil de nouvelles More Pricks Than Kicks, ses poèmes rassemblés dans Echo's Bones and Other Precipitates, son premier roman Murphy. On découvre l'importance de sa relation avec Joyce et l'immense influence de celui-ci sur son oeuvre. Une familiarité frappante se dessine avec la littérature européenne, notamment avec les oeuvres de Dante, Goethe, Racine et Proust. Beckett révèle dans ses lettres un goût prononcé pour la peinture des grands musées européens.
Ce document remarquable nous présente un auteur naviguant sans effort entre l'anglais, le français, l'italien et l'allemand, jouant sans cesse avec les possibilités des langues, pratiquant un humour parfois féroce, écrivant dans un idiome à la fois polyglotte, encyclopédique et intertextuel.
Mais un Beckett plus intime transparaît également : jeune écrivain à la recherche d'un éditeur essuyant de nombreux refus, il confie également ici son obsession de la maladie et de la déchéance physique, tout en démontrant sa fidélité en amitié.
Ce premier volume sera suivi de trois autres tomes offrant au lecteur une vision unique sur soixante années d'écriture (1929-1989) d'un grand auteur qui obtint le Nobel en 1969. Les éditions françaises de l'ensemble de cette correspondance seront publiées aux Éditions Gallimard.
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Ce troisième volume du Théâtre de Federico Garcia Lorca comprend la pièce que certains considèrent comme son chef-d'oeuvre, La Maison de Bernarda. Tragédie de l'honneur, elle met en scène une veuve et ses cinq filles, murées dans la maison pour obéir à la vieille coutume cruelle du deuil paternel. Mais le diable rôde autour de la maison sous la forme d'un beau séducteur dont s'est éprise l'une des filles. Et le diable est aussi dans la place, en la personne de la mère de Bernarda, vieille folle enflammée par des idées de luxure. À une conception folle de l'honneur s'oppose le prosaïsme, le bon sens populaire de Poncia, la servante, qui joue, en face de Bernarda-Quichotte, le rôle d'un Sancho Pança. On trouvera aussi, outre les pièces en un acte du Petit Théâtre, la délicieuse farce pour guignol, Le jeu de don Cristobal, farce poétique qui ferait songer à un Musset espagnol.
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Ce quatrième et dernier volume des Lettres de Samuel Beckett accompagne l'auteur au long des vingt-quatre dernières années de ce qui fut, à ses yeux, une vie étonnamment longue. Lui qui avait toujours ressenti de la compassion pour les personnes âgées, le voici à présent contraint d'affronter lui-même le vieillissement avec les privations que cela entraîne et la disparition progressive des anciens amis et collaborateurs. Il fait preuve d'un stoïcisme remarquable face au deuil, aux atteintes corporelles et à la maladie, comme de la volonté de continuer à travailler jusqu'au bout.
Au cours de ces années, il produit quelques-unes de ses oeuvres les plus raffinées et les plus denses, des pièces pour le théâtre qui incluent Pas moi, Pas, Solo, Berceuse, Impromptu d'Ohio et Catastrophe. Pour la télévision, il écrit Trio du Fantôme, ... que nuages..., Quad et Nacht und Träume. Et en prose, à la redoutable densité des oeuvres des années soixante, fait suite l'ampleur lyrique de la seconde « trilogie » formée de Compagnie, Mal vu mal dit et Cap au pire.
En 1969, Beckett reçoit le prix Nobel de littérature et ses lettres le montrent aux prises avec les contraintes qui accompagnent sa réputation internationale croissante. Plus tard, ses lettres révèlent un homme soucieux de son héritage, comme on le voit dans ses rapports avec biographes et archivistes. Et, alors qu'elles se font plus brèves avec l'âge de l'auteur, Beckett cherche néanmoins toujours, de façon poignante et novatrice, à montrer à ses correspondants comment les mots peuvent illuminer les ténèbres - une quête qui allait se poursuivre jusqu'à sa mort en 1989, à l'âge de quatre-vingt-trois ans.
Les introductions critiques renseignent sur le contexte historique ; sont également fournis chronologies, notes explicatives et profils des principaux correspondants de Beckett.
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Théâtre Tome 1 ; six personnages en quête d'auteur ; chacun sa vérité ; Henri IV ; comme ci (ou comme ça)
Luigi Pirandello
- Gallimard
- Blanche
- 22 Novembre 1950
- 9782070251179
Ces quatre pièces ont toutes pour thème - et le reprennent chacune avec son caractère propre - le problème de la personnalité, le tourment de la relativité et de la variation de l'être dans le temps. Dans Six personnages en quête d'auteur, Pirandello invite le spectateur à assister à tout ce qui se passe sur une scène de théâtre lorsque la salle est vide, tout ce qui se passe dans l'esprit d'un directeur-metteur en scène aux prises avec des personnages qui lui sont confiés - et plus encore:tout ce qui se passe dans le coeur d'un auteur lorsque s'imposent à lui des personnages, et qu'il les sent plus forts qu'il n'est. Dans Chacun sa vérité, on découvre que savoir la vérité est pratiquemment impossible. Surtout quand celui qui la cherche ne sait pas bien s'il a grande envie de la connaître, ni à qui la demander. Si bien qu'il devient tout à fait impossible de savoir si quelqu'un est mort ou vivant. En effet, qui vous le dira? Et il est encore bien plus difficile de savoir qui est vraiment fou et qui ne l'est vraiment pas. Henri IV, qui est peut-être le chef-d'oeuvre de Pirandello, pose le problème de la folie et surtout des rapports mystérieux entre les fous et les autres. Un homme a perdu la raison à la suite d'un accident provoqué. Il se prend pour l'empereur d'Allemagne, Henri IV. Pendant des années son entourage a nourri et entretenu cette folie. Lorsque la raison lui revient, cet Henri IV le dissimule d'abord. Il préfère «rester fou pour vivre lucidement sa folie, la réalité de sa vraie folie», et il fera tout ce qu'il faut pour continuer à habiter ses songes. Dans Comme ci (ou comme ça), Pirandello invite le spectateur à monter sur la scène pendant l'entracte. Au lieu d'aller bavarder dans les couloirs, pourquoi ne pas se mêler aux acteurs, intervenir dans le dénouement que l'on espère ou que l'on voulait? À plus forte raison lorsque, comme c'est ici le cas, les personnages du drame vont faire un tour dans la salle.
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Publiée pour la première fois en France chez Gallimard, il y a soixante-dix ans, cette correspondance est aujourd'hui présentée dans une nouvelle édition, revue et augmentée.
Pourvue d'un appareil critique très riche, comportant de nombreux documents en partie ou tout à fait inédits, elle éclaire l'amitié, parfois orageuse, qui unit Wagner et Liszt, dont l'aide au révolutionnaire proscrit que le premier a été après 1849 se révéla décisive. Elle permet de suivre, entre 1841 et 1882, la genèse des travaux théoriques de Wagner et de ses principaux chefs-d'oeuvre, depuis L'Or du Rhin jusqu'à Parsifal, au fil d'une existence particulièrement mouvementée. Enfin, comme l'un et l'autre furent de grands voyageurs, elle constitue une source d'informations précieuses sur la vie musicale de leur temps, en Allemagne et dans la plupart des pays d'Europe, où ils se sont produits comme créateurs et interprètes.
Autant dire qu'au moment où, deux ans après le bicentenaire de la naissance de Liszt, on célèbre celui de Wagner, ce livre comblera les wagnériens, les lisztiens, mais aussi tous les mélomanes désireux de mieux connaître une des époques les plus fécondes de l'histoire de la musique occidentale
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Lettres Tome 2 ; 1941-1956, les années Godot
Samuel Beckett
- Gallimard
- Blanche
- 20 Novembre 2015
- 9782070129959
Si le deuxième des quatre tomes des Lettres de Samuel Beckett commence par les années de guerre - à un moment où il était souvent impossible ou trop dangereux d'entretenir une correspondance - le nombre et la variété des courriers qu'envoie Beckett à partir de 1945 reflètent la profusion et l'intensité de sa créativité à cette période.
C'est en effet à ce moment-là qu'il écrit ses premières oeuvres en français : Molloy , Malone meurt , L'innommable , En attendant Godot , etc. Ses lettres dévoilent alors la construction de son esthétique et l'énergie avec laquelle il défend ses oeuvres. Elles racontent aussi la transformation d'un auteur peu connu mais passionné en une figure internationale, et sa réponse à sa célébrité nouvelle.
Comme pour le premier tome, Cambridge University Press a réalisé une édition très complète, remarquablement instruite et appuyée par de multiples notes, une chronologie et de courtes biographies des correspondants. Ce second volume propose également une introduction détaillée expliquant la position de Beckett durant la guerre ainsi que son mouvement essentiel vers la langue française, qui ne manquera pas d'intéresser les lecteurs et spécialistes francophones.
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Les peuples du Proche-Orient ont-ils inventé la culture aux deux sens du mot? Ils ont en tous cas su en vivre les exigences et en éviter les impasses en palliant chaque inconvénient par des solutions originales. Par exemple la notion d'histoire engendra celle de patrie comme terre de la vie supérieure, mais toute patrie est fragile et peut tomber dans la gueule des porcs (nous en savons quelque chose). Ézéchiel invente alors de susbtituer le livre à la patrie. Le livre saint n'a pu remplacer la Terre Sainte efficacement que grâce à la pléiade des prophètes d'Israël et de Juda. L'originalité absolue de leur ton a permis la Bible. C'est autour d'eux qu'elle s'est constituée, à cause d'eux qu'elle eut le destin qu'on sait. Ailleurs qu'en eux, elle est plus facile à minimiser qu'à défendre. S'ils sont actuellement ce que les Français non-hébraïsants en connaissent le plus mal, c'est sans doute parce que les traductions et leurs lecteurs ont oublié que la parole s'entend. Voici un essai de rompre ce mur de silence, de transmettre vers par vers le mouvement des grandes paroles prophétiques. Le traducteur a tenté de sauver le rythme le plus qu'il a pu, et quelque chose des allitérations. Si la langue française dispose de moyens encore faibles, si elle est plus riche de particules que d'accents et de gutturales, du moins s'est-elle assez affranchie de la rhétorique gréco-latine pour aller à la rencontre d'une profération sémitique. Ceci est bien davantage qu'une nouvelle traduction des textes prophétiques de la Bible. Jean Grosjean est parvenu à rendre en poésie française la poésie hébraïque. Qu'il s'agisse du Cantique de Débora, d'Ézéchiel, d'Habacuc ou de Job, les rythmes et l'ampleur auxquels il atteint ont la sonorité même d'une poésie première. On pense à l'admirable authorized version d'Angleterre, et à certaines belles traductions françaises du XVII? siècle. On a enfin le sentiment d'avoir affaire à une poésie millénaire.
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