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L'Atelier Contemporain
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Ce nouveau recueil de poèmes de Pierre Cendors invoque un monde de solitude - un bout de monde, plus exactement, au contact des grandes évidences élémentaires, celles des terres irlandaises. Un chant nu où s'éternisent les roches brisées par des flots, sous un ciel immémorial comme un silence par lequel l'être se révèle dans sa plus sensible présence. Face à ces paysages, il faut ainsi parler « la langue océane d'un haut pays du vent ». Dans un lyrisme intime, l'exil devient une écoute, une expérience où « la réalité y déréalise son empire », où les landes « disent mieux qu'un poème / l'inépuisable force irrévélée / de la poésie ».
En quatre sections - « L'âge du ciel », « l'âge du noir », « Dit de Norgate » et « Hauts-lieux du réel » - illustrées de nombreuses photographies du pays celte, Pierre Cendors retranscrit ce dialogue silencieux où la voix devient la passeuse d'un souffle de hautes pierres, où la poésie affleure sans limite dans l'immensité sublime, balayée par l'inépuisable force du vent vorace, creusant toujours dans la profondeur ce sentiment où « la parole abdique / entre blanchement dans l'ouvert ».
Chaque poème, empreint de l'humilité de l'homme face la démesure archaïque et intemporelle de ces paysages abrupts, dépose dans une brièveté nécessaire un verbe qui se dépouille de l'inessentiel pour laisser vibrer l'âpreté du sel océanique, de ces divinités sauvages, de ces ombres à la lisière de l'existant où la poésie circule sans traces, à même le roc, dans une « nuit première », « un absolu anonyme », pour rejoindre « Un solitaire en chacun de nous / En nous tous ce qui est seul ». Car « Au sein des solitudes / sont des cimes / haut-lieux vibratiles du réel ». -
Le 21 décembre 2023, la Faculté des lettres de l'université Charles de Prague est la scène d'une terrible fusillade qui fera quinze victimes, dont fait partie l'assaillant David Kozák, qui se donne la mort.
À quelques pas du lieu du drame, et au même instant, l'écrivain et poète Pierre Cendors arpente les couloirs de la Villa Bílek, absorbé par l'une des oeuvres exposées, en laquelle se distinguent quinze personnages endeuillés, à peine esquissés dans l'immensité d'un paysage sauvage. Un gouffre artistique le laisse alors dans un grand saisissement après avoir ressenti, durant ce séjour pragois parcouru de très grands vents, une force puissante le traverser, à la lisière de prémonitions tout à la fois mystiques et lyriques.
De l'événement tragique, de la concomitance des événements, de cette expérience vertigineuse où se répondent les méditations et les faits les plus irrémédiables, l'auteur nous livre un témoignage sensible construit en trois moments - comme les trois temps d'un drame qui déborde le fait divers pour rejoindre les plus grandes questions sur la condition de l'homme, où se mêlent impressions et pensées du sentiment poétique. Ils constituent une réflexion profonde et vivante sur ce qui le déborde et parfois le divise. -
L'horizon d'un instant témoigne d'une grande attention aux présences terrestres, et d'un acte poétique incarné, jour après jour, durant plusieurs mois, dans un site montagneux, au contact des forces muettes du vivant. Muettes, bien que parlantes à qui se laisse traverser de leurs murmures sauvages. Cela demande un décentrement du regard et de l'écoute : «Prêter une intense écoute aux présences non humaines: celle des hordes nuageuses au-dessus des terres, celles des pierres, des sources et des forêts massées au sol, que cingle inépuisablement l'averse des lumières.
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Tractacus solitarius ; le retour du loup des steppes
Pierre Cendors, Christine Sefolosha
- L'Atelier Contemporain
- 12 Avril 2019
- 9791092444858
Aux dires de Pierre Cendors lui-même, Le Loup des steppes d'Hermann Hesse est le roman qui l'accompagne incessamment depuis l'adolescence, celui qu'il relit le plus volontiers. En 2016, il décide de raconter lui-même l'histoire d'un de ses personnages, demeuré à l'état d'esquisse dans l'oeuvre de Hesse. Cette entreprise aboutit à deux textes publiés simultanément : d'une part Silens Moon, le récit à proprement parler, qui paraît aux éditions du Tripode ; d'autre part ce Tractatus solitarius, écrit inclassable qui tient à la fois du roman, du carnet de voyage, du poème, de l'essai critique et du traité philosophique.
Bien qu'il emprunte sa forme analytique et même son titre à cette dernière tradition - qu'on songe au Tractatus logico-philosophicus de Wittgenstein -, l'ouvrage, se situant plutôt dans la lignée du Crépuscule des idoles de Nietzsche ou des Feuillets d'Hypnos de Char, constitue en réalité une série d'aphorismes poétiques reliés entre eux par une voix et une trame narratives : le locuteur embarque de nuit sur un navire lancé dans une direction inconnue. La forme du traité vise dès lors à suivre pas à pas un cheminement symbolique, à restituer point à point l'exploration d'une terra incognita.
Ces domaines inexplorés, nous dit le narrateur, sont les tréfonds intérieurs de l'homme, ce réservoir de forces primitives, inusitées, reléguées à l'arrière du jeu social, par laquelle l'homme s'ancre intimement dans l'espace du monde.
C'est en ce point que la profession de foi poétique de Pierre Cendors, déjà présente dans ses précédents textes, recoupe l'oeuvre d'Hermann Hesse. Prenant appui sur sa correspondance et ses essais, Cendors développe une approche où l'analyse critique le dispute brillamment à l'exhortation poétique. La relation de l'homme au monde, nous dit-il, est altérée par sa façon de vivre comme individu parmi d'autres individus ;
Pour la restaurer, il lui faut remonter en solitaire à la source de son être, là où il touche encore à l'absolu.
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Ce livre - celui qui y parle l'annonce - ne se veut ni « une énième poétique » ni « un renouveau lyrique de l'Utopie ». Il dédaigne de définir et plus encore de tenir la moindre position : « Un positionnement, uniquement. Un positionnement sans volonté d'occuper une position, d'asseoir un pouvoir sur autrui, d'exercer une influence sur une audience, de cultiver une quelconque dépendance ni d'augmenter sa propre importance. »
Dès lors, comment qualifier cet ensemble de fragments, entrecoupé du récit d'une marche de plusieurs jours sur l'île de Skye, au nord de l'Écosse ? Poétique, aphoristique, didactique, c'est un vade-mecum qui semble exiger du lecteur de délaisser le livre sitôt lu, une initiation pas à pas qui ne demande rien tant qu'à être dépassée, un traité de pensée sans maître.