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Pierre Bergounioux
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La vie s'entend à s'attacher les services des créatures en qui elle est éparse et persiste. Il n'y a que les nôtres qu'elle paraisse un peu dédaigner. On ne serait pas, sans cela sujet au doute. On n'aurait pas tous ces regrets ni cette envie, souvent, de ne plus vouloir. La tentation d'abandonner ne serait pas tapie au creux de chaque jour et jusqu'au coeur de nos entreprises.
Cette félicité qu'il faut supposer aux animaux, elle nous a peut-être été accordée un très court instant, au commencement. Il serait dans sa nature non seulement qu'elle se dissipe mais que son souvenir lui-même s'efface après qu'elle a rempli son office, qui est que nous restions. Ensuite, nous vivons par habitude. Quelques complications, du côté de mes origines, ont laissé dans ma mémoire deux ou trois fragments que je soupçonne d'en être issus. -
«Le haut plateau granitique du Limousin fut l'un des derniers refuges de l'éternité. Des êtres en petit nombre y répétaient le rôle immémorial que leur dictaient le sang, le sol et le rang. Puis le souffle du temps a touché ses hauteurs. Ce grand mouvement a emporté les personnages et changé le décor. On a tâché de fixer les dernières paroles, les gestes désormais perdus de ce monde enfui.»Pierre Bergounioux.
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«Nul langage ne se substituera jamais à celui qui, depuis trois mille ans, escorte en l'éclairant notre aventure. La littérature, seule, peut expliciter les signi?cations ultimes, ténues, vertigineuses qui hantent obscurément nos jours. Comme toutes les choses humaines, les oeuvres évoquées ici sont d'une heure et d'un lieu. Mais elles se sont élevées au-dessus de leur détermination prochaine pour parler à l'humanité. C'est dans cette dimension que se retrouvent Gustave Flaubert, Alain-Fournier, William Faulkner, Henri Thomas, Claude Simon, Jacques Réda et Pierre Michon.»
C'est ainsi que l'auteur introduit ce volume consacré aux grands écrivains l'ayant marqué à des titres divers. La célébration de ces héritages lance et forme une ré?exion rigoureuse sur l'écriture en elle-même, cette «activité contre-nature». Une percée philosophique qui, d'un phrasé sans graisse, vient sonder la pensée et l'économie des hommes pour y trouver, sous les rapports de force et leur historicité, quelques cruciales vérités sur ce monde et sa littérature. -
« Grand-père détenait les éléments peu nombreux, très simples, de l'énigme. Il me plaît de croire qu'il a songé à m'en parler, qu'il attendait que passe l'instant immobile, l'éternel présent du premier âge pour me les livrer. Il est mort l'année de mes sept ans. Les quelques mots dont j'avais besoin l'ont suivi dans la tombe... » Dans ce texte initial et initiatique, Pierre Bergounioux ne raconte pas toute sa vie, mais l'essentiel : son enfance et son adolescence. Il faut goûter ce bref roman d'éducation comme s'il était écrit en marge de ses autres oeuvres. C'est la lente approche d'un écrivain vers « le premier mot ». Tous ses livres seront soutenus et ravivés par cette autobiographie.
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«À dix ans de distance, c'était un double étonnement : infiniment tendre, émerveillé, irrévocable, que contre toute espérance elle ait consenti à devenir sa femme, sans effroi ni calcul ; et sombre, insupportable que dix ans aient passé de la sorte, dans ce parfait apaisement, pendant lesquels, chaque jour, sans s'en rendre compte, il avait commis la faute infime, impardonnable, de n'être plus sur le qui-vive pour se tenir à sa hauteur, près d'elle qui l'avait accepté.» Abandonné par Catherine, le narrateur se réfugie dans une petite maison qu'il vient d'hériter en Corrèze, toute proche du bourg où il est nommé professeur de français. C'est là qu'il va vivre le cauchemar de l'arrachement, la solitude, la tentation du suicide, ainsi que l'hostilité de ses voisins braconniers qui dévastent clandestinement son verger. Mais il va aussi miser sur l'espoir, celui de reconquérir Catherine.
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Pierre Bergounioux présente ce texte haletant, philosophie de la guerre et du temps, par ces quelques mots : « Universellement connu sous l'appellation de Forteresse volante, le Boeing B-17 fut l'instrument principal des bombardements stratégiques qui ruinèrent l'Allemagne. Il emportait dix hommes sur des distances supérieures à trois mille kilomètres, dans l'hiver inexploré des hautes altitudes battues par le feu ennemi. Leur aventure collective n'a pas été contée. Ses possibles interprètes n'y ont pas survécu. A partir d'une image de B-17 en perdition, on a épilogué sur les chances du récit, la liaison toujours incertaine entre l'événement et sa relation.» Extrait : Pour les Anciens, déjà, la guerre était mère de toutes choses. C'est pour exterminer qu'on innove, qu'on passe du silex au bronze puis au fer, de l'arc à l'arquebuse. Ça a pris des millénaires. Les forgerons oublièrent qu'ils avaient succédé aux tailleurs de pierre. L'espèce découvre tard qu'elle a une histoire et c'est tout récemment que ceux qui la font savent qu'ils l'accomplissent. Il a fallu, pour cela, que le devenir précipite son rythme, que des changements significatifs apparaissent dans l'étroite frange que forment, entre le peuple innombrable des morts et celui, futur, qui attend son heure, dans les limbes, les trois générations de vivants.
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«On devrait s'arranger pour ne rien laisser traîner. On a un certain temps et un certain nombre de choses à faire. Quand le terme est échu, il faut laisser la place nette, comme neuve. Si on a été pris de court, ça ne coûte guère de laisser quelques instructions à ceux qui suivent. Ils sauront clairement ce qui demeure pendant, les arriérés qu'il reste à régler en plus de ce qu'ils auront à effectuer pour leur propre compte.
J'aurais aimé qu'il en aille ainsi, trouver la place libre, l'endroit tranquille ou, à défaut, qu'on me dise. Au lieu de quoi on nous a entraînés dans la brume, conduits devant des dalles de ciment moussu et fissuré. C'est là-dessous qu'ils étaient, nous a-t-on dit. C'était même écrit dessus. Ce qui fait qu'il ne nous est pas venu à l'esprit de chercher du côté où ils sont vraiment, où leur vie continue, obstinée, véhémente à proportion de ce qu'elle fut amère, amoindrie, écourtée.»
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Le bois du chapitre : Verdun 1914-1918
Pierre Bergounioux
- Fario
- Theodore Balmoral
- 3 Février 2023
- 9791091902922
Le titre, amphibologique, dit tout. Précisons cependant que la scène a lieu, d'abord, dans les années soixante, à Brive-la-Gaillarde, devant le monument aux morts élevé, place Thiers, à la mémoire des soldats tombés pour la Patrie durant la Première Guerre mondiale. C'est là que se tiennent les cérémonies auxquelles l'enfant assiste, sans réaliser « ce qu'ils furent », tandis que les héros, un à un, disparaissent. Le jeune lecteur ouvre pourtant à la bibliothèque municipale les livres sur l'époque afin d'en apprendre davantage sur les circonstances et les modalités du désastre, pour trouver des explications sur ce qui a eu lieu, la présence des estropiés dont le nombre impressionne. Mais c'est l'incompréhension qui s'impose. Manquent aux livres noyés de gris « le relief, les détails, les finesses ». Et puis l'enfant, tout au présent, est trop jeune quand la réalité se dresse enfin devant lui : l'échelle réduite des reproductions qui est censée la représenter mais, en partie, la trahit.
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Le narrateur et son cousin Michel âgés de onze ans passent leurs vacances dans une maison de Corrèze où leur grand-père est en train de mourir tout doucement après une existence d'aventures extraordinaires sur des continents lointains.
Il n'en faut pas plus pour que l'esprit des deux garçons s'enflamme et réussisse à passer sans le moindre hiatus d'une réalité quotidienne heureuse aux jeux fantastiques de l'imagination. Comme pour marquer la fin de leur enfance, ils inventent deux rites de passages. Dans le bois voisin, la nuit, il s'agit de traquer une bête fabuleuse, surgie du fin fond de l'Afrique, avec les récits et les livres du grand-père. Puis sur le désertique plateau de Millevaches, de marcher jusqu'aux sources de la Corrèze, où le père a l'habitude de pêcher des truites. Mais la Corrèze qu'ils découvrent n'est qu'un filet d'eau. Où sont les truites? Deux questions capitales se posent alors. Au père : As-tu menti? Au grand-père : As-tu peur de mourir?
Pierre Bergounioux évite aussi bien le ton de la narration enfantine que celui du souvenir. Il a inventé autre chose d'absolument original pour faire revivre la sensibilité d'un âge exigeant et lucide, bien que mêlé de rêves, encore.
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De tout ce temps, les jambes avaient poursuivi leur basse besogne, repoussé alternativement le capiton, la douceur de l'abandon, la tentation de devenir un autre, quel qu'il fût, un peu avant l'heure fixée. J'ai laissé en plan mon bas de casse, mes petits travaux de prote lorsque le pli s'est précisé de part et d'autre, à égale distance, et qu'il fut évident que j'étais resté dans l'axe de la chaussée durant l'intermède où, en l'absence de repères, j'avais confié la direction de l'affaire aux extrémités dont j'avais perdu, avec le froid, la sensation, à rien, en quelque sorte.
De son premier livre en 1984 (le publiant, encouragé par Jacques Réda et Pascal Quignard) révélant une écriture exigeante à ses plus récents essais dotés d'une poétique conviction, Pierre Bergounioux, jamais loin de la Haute-Corrèze où il grandit, est devenu une des figures essentielles du paysage littéraire français. La gorge s'inscrit dans son oeuvre comme un texte singulier et capital :
Il rejoint ses écrits d'inspiration autobiographique où le sujet est soumis au chaos du temps. Son passage y est une déchirure métamorphosant l'être, les territoires de l'enfance et la société toute entière des toits aux racines. Quittant les reliefs qui l'entourent depuis toujours, un homme embarque à bord d'un train pour mener, au long des rails, une ultime bataille contre l'avenir et le passé. Le verbe de Bergounioux y est à son apogée et entretient une méditation lancée à toute allure dans les méandres de l'esprit. Le voyage dévoile une poésie infernale où la réflexion embrasse chaque détail de l'âme du narrateur et chaque bribe du paysage. Le personnage, miroir du lecteur, ne peut s'en sortir sans vertige.
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«Le temps qu'on dit passé s'attardait encore, au milieu de ce siècle, dans les petites villes enfouies au coeur du pays. Sa lumière morte, son air éteint, ses drames anachroniques, sa misère, ses tenaces noirceurs encombraient la vie de chaque jour. L'heure qui montait au cadran de l'histoire hésitait, au loin. Quinze années durant, peut-être, la nuit mérovingienne, le regard d'une dame du temps du roi François, les catins et les roués de la Régence, le spectre d'un maréchal d'Empire assassiné hantèrent le paysage immobile. Une clarté soudaine, insolite et verte, les éclipsa un beau soir, sans retour, et l'instant qui nous était destiné, le présent, a fait son entrée.»
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Carnet de notes, 2016-2020
Pierre Bergounioux
- Verdier
- Litterature Francaise
- 8 Avril 2021
- 9782378560935
Entamés au seuil de la trentaine, les Carnets couvrent quarante années d'une sorte de vie.
Avec le cinquième, on se retrouve, on ne sait trop comment, septuagénaire, à peu près quitte des soins qui ont rempli l'intervalle, excepté celui, cher à Montaigne, d'apprendre à mourir.
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" Il était cinq heures lorsque le téléphone a sonné.
Je suis souvent levé à cette heure où la nuit règne encore mais, ce matin-là, je dormais et c'est en rêve que j'ai su que mon père était mort. J'attendais ce moment depuis le moment où j'ai appris que nous mourrons, tous, et qu'il nous faut attendre. Il avait visité la place vingt-huit ans auparavant, au début du mois de juillet de ma treizième année. Je campais, sous la tente, à cinq cents kilomètres de la maison mais je vois l'étroit vestibule, la pomme du premier balustre en chêne verni, les deux portes latérales et l'amorce de l'escalier avec une telle netteté qu'aujourd'hui encore, je m'y laisserais prendre.
La scène ne comporte aucune incongruité. Les portes sont à la bonne hauteur. Le bois de la rampe a la couleur du chêne. Je discerne mal les traits de ceux qui m'entourent mais cela se produit également de ce côté-ci quand on se trouve aux prises avec une douleur extrême. En revanche, je vois mon père étendu au pied du balustre. On a repêché son corps dans la Vézère. "
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« On regarde les oiseaux avec un grand écrivain ! » France Culture « Pour dire le désastre qui vient, Pierre Bergounioux n'use pas de chiffres, mais de mots. » L'Obs À la ville, à la campagne, les oiseaux voient leurs rangs se clairsemer, leurs chants se raréfier. Peu à peu, ils disparaissent. Pierre Bergounioux évoque leur place dans sa vie : au fil des mots, il réveille, révèle les liens tissés avec eux, dans une langue poétique, à la fois magique et réaliste, d'autant plus implacable. L'écrivain, en une formule ramassée et fulgurante, nous livre une pensée qui ne peut laisser indifférent.
Pour cette édition collector et numérotée, l'acteur Denis Lavant donne sa voix à ce texte sensible, salué par la critique. L'artiste Stéphane Lecomte signe la couverture.
Pierre Bergounioux est écrivain, essayiste, sculpteur. Il est lauréat du prix de la Langue française 2021. -
Comme il l'avait fait avec La mue, Pierre Bergounioux revient sur ses déméles avec le temps et son inlassable travail sur l'existence. A toutes les échelles de l'histoire, il en flaire et détoure les empreintes. Tout n'est que résurgence dans ces Métamorphoses où chacun des actes présent semble procéder d'une cause à venir, et inversement.
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Hôtel du Brésil
Pierre Bergounioux
- Gallimard
- Connaissance De L'inconscient
- 23 Mai 2019
- 9782072844164
J'ai demandé à Pierre Bergounioux s'il consentirait à dire les raisons pour lesquelles il se détourne si volontiers de la psychanalyse, sans qu'il s'en soit jamais vraiment expliqué - ma question plus directe ou provocatrice était : « Qu'est ce qui t'a retenu de faire une analyse ? » - Quelques mois plus tard, voici le résultat.
Hôtel du Brésil est le nom de l'hôtel où Freud est descendu, rue Le Goff, quand il a étudié auprès de Charcot. L'étudiant Bergounioux, à qui le nom de Freud ne dit pas grand-chose, tombe sur la plaque commémorative alors même qu'il vient d'acheter « trente kilos de livres » qui parlent de son propre engagement et de ses objets. Cet engagement, c'est chercher non en lui mais au dehors de lui-même les causes de son mal-être.
L'enfant effaré qu'il a été, accablé de tristesse dans la bibliothèque non chauffée de Brive, vivant à côté d'adultes muets, devenu jeune homme découvre que la constitution du sol (le grès « permo-carbonifère ») a rendu tout triste en Corrèze - maisons et ambitions intellectuelles et rendement des cultures fermières, et humeur : une condition provinciale loin de toute lumière. Ce qui éclairera l'auteur sur ce qui l'agite, c'est l'analyse politique. Pierre explique avec toute sa droiture, toute son obstination aussi - et son écriture fluide et grave -, que l'inconscient est dehors. Ce court essai - au fond antipsychanalytique - est très émouvant. Et quoi de plus souhaitable qu'un excellent adversaire pour secouer les pensées devenues trop familières ?
« Si rien n'est plus manifeste que l'inconscient, depuis que Freud a passé, il résidait bien moins en nous, pour moi, pour d'autres, qu'à notre porte, dans les choses qui nous assiégeaient, leur dureté, leur mutisme, la tyrannie qu'elles exerçaient sur nos sentiments, les pensées qu'elles nous inspiraient forcément et semblaient s'ingénier à dénaturer. Le monde n'était pas ce résidu friable, terne que pouvaient ignorer « les belles dames » [les patientes de Freud] mais une excroissance énorme, ténébreuse - et je n'avais déjà même plus quarante ans pour m'en débarrasser. »
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A partir de textes appartenant aux mémoires historiques ou à la littérature (ceux de Napoléon Ier, de Cavalié-Mercer, de Custine, Saint-Simon, Montesquieu, Pouchkine) ; à partir de l'oeuvre de Marx qui, nous rappelle-t-il, a séjourné en France ; à la suite de Boris Souvarine établissant des parallèles entre le régime policier russe du tsar Nicolas Ier et le régime communiste de l'URSS de Staline, Pierre Bergounioux définit ce que, considérant ce qu'en ont écrit parmi d'autres Gogol, Tolstoï, Dostoïevski, l'on a appelé l' "âme russe" - quand Custine regarde précisément les Russes comme "? des machines incommodées d'une âme ? ".
S'interrogeant sur les raisons de la disparition du "socialisme réel" , dont l'hypothèse la plus courante incrimine, avec Karl Wittfogel, le despotisme oriental, Bergounioux convoque les analyses d'Eric Hobsbawm : les Bolchéviks "ont cru possible de passer du féodalisme au socialisme en escamotant le stade capitaliste" , et de John Kenneth Galbraith : "L'égalité du partage a guidé le législateur soviétique mais la faiblesse de l'appareil productif est telle qu'il n'y a rien ou presque à partager" .
Cependant, selon Bergounioux, "rien n'éclaire l'histoire d'un peuple comme sa littérature" . Si bien que c'est vers elle qu'il faut se tourner pour comprendre la Russie, la terreur qui la gouverne. Et quand il s'agit de distinguer les écrivains français et les écrivains russes, un trait revient, implacable : "C'est le péril que [ces derniers] encourent à simplement dire ce qui est". Aussi "c'est le stalinisme qui a tué Essenine, Maïakovski, Marina Tsvetaïeva, envoyé Soljenitsyne et Chalamov au goulag, étouffé, au nom du "? réalisme socialiste ? ", l'expression approchée, authentique de l'expérience à quoi tend, d'âge en âge, la littérature si elle est bien révélation, délivrance".
Pierre Bergounioux relie ainsi les interventions de l'artiste Piotr Pavlenski à l'héritage de ses compatriotes : "Un artiste russe, parce que russe et non pas français, doit payer d'exemple, de sa personne. La chose qu'il dévoile est redoutable. C'est l'Etat, cet organe qui, selon Max Weber, "? monopolise l'usage de la violence physique légitime ? ". Et c'est bien contre Poutine et les oligarques qui ruinent à leur tour le peuple russe que Pavlenski s'élève car, envers et contre tout, "l'aspiration millénaire à la justice, à l'égalité, à la liberté, si elle a disparu de la surface du sol, n'en continue pas moins de cheminer sous terre".
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«On attendait d'énergiques initiatives, des changements effectifs, de vrais événements. Ils ne se sont pas produits. Cinq décennies ont passé en vain, à vide, apparemment. Et puis ce qui aurait dû être et demeurait latent, absent fait irruption dans la durée.» Pierre Bergounioux entreprend ici de saisir les origines et la signification du soulèvement social que la France a vécu ces derniers mois. Il enracine sa réflexion dans l'histoire des nations et des idées occidentales, en vertu de l'axiome selon lequel tout le passé est présent dans les structures objectives et la subjectivité des individus qui font l'histoire. Ainsi se poursuit, jusque dans les formes les plus contemporaines de la contestation, en pleine crise du capitalisme et de la représentation politique, le rêve égalitaire qui nous est propre.
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Une chambre en Hollande
Pierre Bergounioux
- Verdier
- Litterature Francaise
- 12 Février 2009
- 9782864325680
L'acte de naissance du sujet de la connaissance a été dressé par un français.
C'est le discours de la méthode. mais c'est en allemagne que descartes l'a conçu, en rêve, et aux pays-bas qu'il l'a rédigé. si le monde se ramène depuis lors, à deux substances, l'étendue et la pensée, leurs rapports ne vont pas sans complications ni sautes. la vie même de descartes en est l'illustration.
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À la ville, à la campagne, les oiseaux voient leurs rangs se clairsemer, leurs chants se raréfier. Peu à peu, ils disparaissent. Pierre Bergounioux évoque leur place dans sa vie : au fil des mots, il réveille, révèle les liens tissés avec eux, dans une langue poétique, à la fois magique et réaliste, d'autant plus implacable. L'écrivain, en une formule ramassée et fulgurante, nous livre une pensée qui ne peut laisser indifférent.
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Cela fait quatre siècles que l'on Forge à Syam, en dépit des lois, bien plus dures que le fer, qui régissent l'activité économique. Une poignée d'hommes dansent le feu de part et d'autre du laminoir. Ici le temps a marché sur place. La vie s'obstine, portée par le travail. La singulière étrangeté du lieu vient de ce qu'il tient ensemble les contraires, l'eau et le feu, le mouvement et l'immobilité, la permanence et le changement, l'universel et le local, le présent et le passé.
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Enfant de l'après-guerre, Pierre Bergounioux dut très tôt, pour comprendre le monde, mieux l'éprouver peut-être, emprunter la route qui, l'éloignant de la cité natale, Brive, lui permettrait de côtoyer les centres du savoir comme de l'expression littéraire. Distance prise, la plus grande partie d'un temps souvent ingrat consacrée à l'étude, la même route devait pourtant le reconduire avec obstination au lieu de l'origine, l'éloignement, au fil des jours, forgeant la clé susceptible d'ouvrir enfin la porte des années décisives. Auteur de nombreux récits, de carnets et d'essais d'une rare acuité, Pierre Bergounioux, faut-il le rappeler, est l'un des écrivains majeurs de notre époque.
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Un peu de bleu dans le paysage
Pierre Bergounioux
- Verdier
- Litterature Francaise
- 3 Octobre 2001
- 9782864323471
Du début de la gaule romaine à la fin du deuxième millénaire, la zone imprécise, plissée, qui sépare l'auvergne de l'aquitaine a vécu séparée.
De là les sombres permanences, les bizarreries, les particularités qu'on pouvait, tout récemment encore, y observer. lorsque le mouvement, le présent, l'ont tirée du sommeil, elle n'a pas hésité. elle s'est retirée sans bruit, les yeux ouverts, dans le passé.
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François est le prénom d'un frère imaginaire. Un frère aîné, dont la présence tutélaire aurait permis à Pierre Bergounioux de recoudre les lambeaux épars d'une insondable origine. François est celui qui aurait su. Qui aurait été le témoin des derniers feux d'une histoire familiale déchiquetée par les deux guerres qui se sont succédées dans la première moitié du vingtième siècle.
Si les accidents géologiques, et géographiques, disposent sans ménagements de l'âme des êtres auxquels ils ont échu, ces opérations ne s'accomplissent que dans le temps, celui de l'histoire collective. Pour comprendre l'absence au monde d'un père, prendre la mesure de sa mélancolie, il a manqué à Pierre Bergounioux les quelques repères qui lui auraient permis de retisser les liens, de saisir le double enfermement où il a, dès l'abord, résidé : celui d'une province enclavée, sans réel contact avec les confins radieux des plateaux calcaires et ensoleillés du Quercy, entraperçus au sud du Limousin, d'une part, celui du mutisme radical d'un paternel que la présence d'un fils n'a jamais pu ranimer, d'autre part. C'est donc dans les limbes que ce livre profond et émouvant se faufile, à travers les linéaments d'une ascendance tenue comme au secret et qu'il lui a fallu reconstituer à partir de quelques fragments minuscules pour continuer à vivre, à penser, à s'émouvoir, à la suite d'un homme qui y avait renoncé.