Dans la maison, tous les matins, je laisse Richter jouer Haydn, on pourrait l'écouter sans cesse, ré mineur, concert public de Mantoue, notes vives et détachées, j'aime le futur immédiat, je ne crains pas la répétition, jeu enfantin, cercle qui ne va nulle part, on écrit toujours pour une voix disait Beckett, pas de voix, pas de notes ni de mots. Le bonheur est possible. Je répète. Le bonheur est possible.Ph. S.
Philippe Sollers nous invite à découvrir la ville dont il est amoureux depuis très longtemps. Le paysage maritime de la ville le fascine autant que la splendeur des places, des églises, des palais, des musées et le charme des canaux et des ruelles. Au fil des pages il évoque les écrivains, peintres et musiciens du monde entier qui ont aimé Venise:Vivaldi, Bellini, Titien, Manet, Monet, Proust, Hemingway, Cécilia Bartoli...D'Amour à Zattere, la riche iconographie du livre nous fait redécouvrir la Sérénissime au fil de l'eau.
Les représentants du vieux Dieu mort et de la vieille littérature sont destitués, mais continueront à parler et à écrire comme si de rien n'était, ce qui est sans importance, puisque plus personne n'écoute ni ne lit vraiment. Les Banques, le Sexe, la Drogue et la Technique règnent, la robotisation s'accélère, le climat explose, les virus poursuivent leurs ravages mortels, et la planète sera invivable pour l'humanité dans trente ans. Malgré tout, un nouveau Cycle a déjà commencé, et les masques tombent. À vous de juger.Ph. S.
L'éternité est sûrement retrouvée, puisque, comme toujours, la mer est mêlée au soleil. Le monde n'a pas disparu, mais on dirait qu'il a été retourné pour reprendre son cours céleste. Tout est maintenant immédiat, le temps ne coule plus, et le plus stupéfiant est que personne ne semble s'en rendre compte. Plus de sept milliards d'humains genrés poursuivent leur existence somnambulique. Rien à voir avec un jugement dernier, la notion de jugement a été effacée en route. Tout est détruit, mais rien ne l'est.
Ph. S.
«Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803), dit «le Philosophe Inconnu», est un penseur français, figure centrale de l'Illuminisme européen. On lui doit deux livres principaux, publiés à des dates très significatives : L'Homme de Désir (1790) et Le Ministère de l'Homme-Esprit (1802). Certains, contre toute évidence, prétendent qu'il n'est pas mort, et qu'il continue ses singulières activités révolutionnaires. Il aurait ainsi rencontré Rimbaud, et peut-être aussi, mais restons prudents, le narrateur de ce livre.» Philippe Sollers.
Kate, journaliste politique française ; Cyd, Anglaise vivant à New York ; Flora, anarchiste espagnole ; Bernadette, dirigeante féministe ; Ysia, Chinoise attachée d'ambassade ; Louise, une claveciniste ; Deborah, la femme du narrateur... Telles sont les femmes. Le narrateur, un journaliste américain, nous dit tout sur elles, mais sa réflexion embrasse l'évolution du monde, ces dix dernières années : pouvoir féminin, érotisme, crise, terrorisme, idées et passions des intellectuels. Rien de plus actuel que ce vaste roman.
« Le Nouveau », c'est le nom du voilier que Philippe Sollers a hérité de son arrière-grand-père Henri, un navigateur au long cours qui sillonnait les océans avec des cargaisons de vin de Bordeaux et avait épousé Edna, une Irlandaise. Le trois-mâts appartint ensuite à son grand-père Louis, champion d'escrime devenu accro aux jeux. Lui-même eut une fille, Lena, la mère de Sollers, une femme d'une grande beauté qui connaissait Proust sur le bout des doigts. En mer, Henri emportait toujours deux volumes de Shakespeare. L'occasion, pour son arrière-petit-fils de réunir ici Hamlet, Le Roi Lear, César, Roméo et Juliette ou encore Prospero.
«Nora, 40 ans, est psychanalyste. Son amant, un romancier français controversé peu nobélisable, s'intéresse de près à Freud et à Lacan. Il veut aussi comprendre pourquoi, récemment, contre toute attente, Paris est brusquement redevenu le centre d'un monde secret et nouveau.» Philippe Sollers.
Le narrateur évoque sa relation avec Lisa, une pianiste célèbre qui interprète les Variations de Webern au cours d'un concert au Grand Théâtre de Bordeaux. Le matin, elle a reçu des messages particulièrement angoissants sur le déferlement des migrants en Grèce, son pays. Elle demande à son public une minute de silence en raison de la catastrophe humanitaire qui se joue. Pendant que Lisa joue Bach ou Mozart, le narrateur passe ses journées avec Hölderlin, Rimbaud, Héraclite et médite sur la beauté comme échappatoire à la vie moderne. C'est par la beauté que l'on peut espérer être sauvé de la laideur et de la violence du monde, cette beauté qui aura raison de Daesh et dont l'obscurantisme et le règne de la terreur sont les principaux ennemis, nous dit Philippe Sollers.
Que fait au juste Pierre Froissart, écrivain clandestin, l'été, dans un petit palais de Venise ? Pourquoi est-il accompagné de cette jeune physicienne américaine, Luz, avec laquelle il a l'air de si bien s'entendre ? Activités illégales ? Drogue ? Trafic d'oeuvres d'art ? Mais quel est alors le réseau international qui l'emploie, lui et certains de ses anciens amis ? Et que représente au fond cette toile de Watteau qu'il doit acheminer vers son but secret ; cette peinture célèbre et recherchée qui donne son nom au roman et l'entraîne peu à peu, comme d'elle-même, dans une révélation de l'Histoire ?
«Vous êtes le peintre et le musicien de ces femmes, elles deviennent des personnages centraux de vos romans, elles peuvent prendre d'autres formes, d'autres figures, elles sont parfois rejointes par celles dont on ne peut pas dire le nom. Ce moment où l'une ou l'autre sort des vagues est unique, ce foulard est unique, ce fou rire aussi. La poudre du temps leur appartient.»
«L'homme de Lascaux était un artiste de génie, la Bible est toujours vivante, la Révolution française s'approfondit, Hegel continue très étrangement d'exister, les galaxies fuient à toute allure, les marchés financiers délirent, le terrorisme fait rage, la pensée et la poésie chinoises n'ont jamais été aussi passionnantes, les dieux grecs ne demandent qu'à vous parler, une sérénité incroyable peut être trouvée».
Ph. Sollers
«Qui connaît la joie du ciel ne craint ni la colère du ciel, ni la critique des hommes, ni l'entrave des choses, ni le reproche des morts.»
Dès ma première rencontre avec Lucie, une formule espagnole m'est revenue à l'esprit : "los ojos con mucha noche", les yeux avec beaucoup de nuit. Les "coups de foudre" sont rares, les coups de nuit encore plus. Les tableaux où Lucie apparaîtrait, si j'étais peintre, devraient être envahis par l'intensité de ce noir sans lequel il n'y a pas d'éclaircie. Noir et halo bleuté. Tout le reste, robes, pantalons, bijoux, répondrait à ce noir, nudité comprise. Mais la preuve, ici, est dans les lèvres, la bouche, la langue, la salive, le souffle. C'est en s'embrassant passionnément, et longtemps, qu'on sait si on est d'accord. le long et profond baiser, voilà la peinture, voilà l'infilmable. J'arrive toujours avec dix minutes d'avance. J'entends l'ascenseur, le bruit de la clé de Lucie dans la serrure, les rideaux sont déjà fermés, action.
«Ce travail [...] ne vise à aucune respectabilité institutionnelle. Il n'est pas un recueil de textes déjà publiés mais un véritable inédit puisqu'il a toujours été calculé pour avoir, trait par trait, sa signification comme ensemble. Il n'appartient à aucun parti ; ne prêche aucune issue collective ; n'incarne ni le Juste ni le Bien ; ignore la corruption ; ne défend qu'une immense minorité menacée, celle des créateurs de tous les temps. Il est habitué depuis longtemps, ce travail, à être traité comme secondaire ou superflu par les pouvoirs économiques et politiques, par le réflexe paternaliste ou la dérision populiste. [...] Le préjugé veut sans cesse trouver un homme derrière un auteur : dans mon cas, il faudra s'habituer au contraire.»Philippe Sollers.
MDIUM (du latin medius, au milieu) : personne susceptible, dans certaines circonstances, d'entrer en contact avec les esprits.
'On vit donc à Venise, Minna et moi, à l'écart. On ne sort pas, on ne voit personne, l'eau, les livres, les oiseaux, les arbres, les bateaux, les cloches, le silence, la musique, on est d'accord sur tout ça. Jamais assez de temps encore, encore. Tard dans la nuit, une grande marche vers la gare maritime, et retour, quand tout dort. Je me lève tôt, soleil sur la gauche, et voilà du temps, encore, et encore du temps. On se tait beaucoup, preuve qu'on s'entend.
Les amoureux sont seuls au monde parce que le monde est fait pour eux et par eux. L'amour est cellulaire dans les tourbillons du hasard, et ces deux-là avaient une chance sur quelques milliards de se rencontrer à la même époque. Entre le français et l'italien, il y a une longue et bizarre histoire. Elle ne demande, avec Stendhal, qu'à s'approfondir.' Philippe Sollers.
Ce volume réunit deux cent cinquante-six lettres de Philippe Sollers à Dominique Rolin, depuis la rencontre des deux écrivains, en 1958, jusqu'à la parution de L'lnfini chez soi de Dominique Rolin et la fin de la rédaction de Paradis par Sollers, en 1980. Ces lettres incisives, émouvantes, rythmées, drôles souvent et d'une grande acuité, donnent à voir un amour hors du commun, mais aussi l'évolution surprenante d'une oeuvre, d'un corps et d'un esprit traversant par bonds audacieux ses «passions fixes» - la Chine, la politique, la science, la Bible, l'Histoire - et l'expérience de la littérature jusqu'à ses limites. Et Dominique Rolin? Sa parole, déjà présente, en filigrane, dans les lettres de Sollers, s'exprimera pleinement dans un prochain recueil. Voici donc le premier chapitre d'une longue et inclassable aventure amoureuse, unique dans l'histoire littéraire française.
«Il est étrange de se dire qu'après Mozart tout s'est brusquement ralenti dans le bruit, la fureur, le tintamarre. Il y a eu une accélération de l'Histoire, soit, mais sur fond de stupeur, de torpeur. De nos jours, la vitesse est partout sauf dans les esprits. Du temps de Wolfgang, c'est le contraire. On voyage en diligence, les préjugés barrent l'horizon, c'est encore l'immense province, la noblesse, à quelques exceptions près, n'entend rien à ce qui va venir, mais le bouillonnement sensuel et neuronal est là, l'intelligence fuse à travers les doigts et les souffles. L'humanoïde actuel est un montage électronique à tête molle. La pointe du XVIII? siècle, au contraire, est un oiseau spirituel à animalité de soie et d'acier.»Philippe Sollers.
«Peu d'esprits sont assez libres pour accepter de savoir qu'une nouvelle religion, en cours de réalisation mondiale, a été fondée en France pendant la Terreur : celle de l'Être Suprême. Son désir de mort, son mauvais goût, sa manie du spectacle, son comique involontaire, son moralisme accablant, ses pratiques masquées, son clergé somnambulique des deux sexes, ses rituels corrupteurs marchands, ses crimes mécaniques n'ont eu, jusqu'à ce jour, qu'un analyste informé et lucide : Sade. En voici la preuve.» Philippe Sollers.
«Fragonard est un des grands peintres du dix-huitième siècle. Plus divers et fort que Watteau ; moins académique que Boucher, il domine son siècle et interroge le nôtre.
À notre grande surprise, nous nous sommes aperçus que presque rien n'avait été écrit sur lui. Ce silence est-il dû à un préjugé historique, conséquence de la Révolution ? Cette question mérite d'être posée en fonction de la «commémoration» de 1989. On se propose, ici, de commémorer d'abord Fragonard, de le faire vivre dans son effervescence profonde.
Surprises de Fragonard ? À chaque instant. Ce livre est construit comme un petit roman d'aventures, images, détails, récits. Les sujets, en général interprétés superficiellement comme «érotiques et galants», révèlent des arrière-plans inattendus, des audaces inouïes. C'est tout une société qui se dévoile dans ces coulisses : La Fête à Rambouillet, Le Billet doux, L'Étude, Le Début du modèle, La Chemise enlevée, La Résistance inutile, Les Baigneuses, Le Verrou... Disons les choses : on a rarement eu autant de plaisir à concevoir un livre.» Philippe Sollers.
Ce volume est la suite logique de La Guerre du Goût et d'Eloge de l'infini.
À l'opposé de toute vision apocalyptique, ou de « fin de l'Histoire », ou de fascination pour la Terreur, les écrits réunis ici ont pour unique visée la préparation d'une Renaissance, à laquelle, sauf de très rares exceptions, plus personne ne croit. Cet avenir certain, quoique hautement improbable, a d'ailleurs été affirmé en toute clarté dans un roman récent encore méconnu : Les Voyageurs du Temps.
Ph. S.
La période que ponctuent ces 247 lettres de Philippe Sollers à Dominique Rolin est, pour les deux écrivains, un temps de création intense, sous le signe stable et dynamique à la fois de ce qu'ils n'ont cessé d'appeler « l'axiome ». Ce terme au parfum spinoziste vise la manière unique dont les amants ont vécu et affirmé, dès le début de leur aventure, ce qui relie indissolublement l'amour et un constant travail d'écriture et de pensée, signant de la sorte la vraie fidélité de l'un à l'autre, dans la vie et sur la page.
Si les lettres réunies ici s'avèrent parfois plus brèves que celles de la période précédente (1958-1980), c'est que le travail des deux écrivains a gagné en force, en ampleur et en diversité.
Dès lors, les lettres de Sollers donnent un maximum d'information sensible comme en abrégé.
Il y est question, à chaque arrivée de l'écrivain à l'île de Ré (printemps et été), de se décrasser du social « parisien » et de retrouver sa « main ». Aussi les lettres se mettent-elles parfois à ressembler aux débuts des romans.
De nombreuses lettres varient les thèmes de Venise, de l'île-bateau (Ré), de l'orage, du sel, des oiseaux, des fleurs, des arbres, du temps qu'il fait, ou encore du lien étrange entre écriture et tennis.
De surcroît, bon nombre de lettres permettent de suivre pas à pas les hésitations et les interrogations sur l'oeuvre en cours (changements de titres, de perspective, etc.), de même que les abondantes lectures qui accompagnent le travail.
Autre filon important dans ces pages : la politique. Ou plutôt : la manière satirique, rapide, dont Sollers rend compte de la dégénérescence des politiciens. Contre-investissement : la musique encore et toujours. Chaque « nouba » ou fête de retrouvailles est ponctué d'écoutes (Gesualdo, Monteverdi, Bach, Haydn, Mozart...) dans l'appartement de la rue de Verneuil (le « Veineux »).Très émouvantes dans ces lettres se révèlent la connaissance et la reconnaissance amoureuses, plus affirmatives, plus nettes et plus singulières au fil des ans et des jours.
Édition établie, présentée et annotée par Frans de Haes.
Cet ensemble fonctionne comme un appareil. De manière systématique, il trace une théorie de l'écriture appelée autrefois « littéraire » mais qu'il vaut mieux nommer aujourd'hui textuelle. Cette théorie s'élabore sur un certain nombre de textes limites, refusés ou mis à l'écart par notre culture, et dont la lecture réelle serait susceptible de changer les conditions mêmes de notre pensée : ceux de Dante, Sade, Lautréamont, Mallarmé, Artaud et Bataille. Le déchiffrement qui s'effectue ici porte sur le travail qui a rendu possible la production de ces « limites », sur les motifs de leur censure et de leur force de transgression.
« Notre travail consiste à proposer une nouvelle manière de lire, c'est-à-dire de lire les textes en articulation avec les sciences, la philosophie », affirme Philippe Sollers.