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Edith Bruck, née en Hongrie en 1932 dans une famille juive, vit en Italie depuis 1954. Avec Chi ti ama così, publié en 1959 chez Lerici (Milan), réédité en 1974 chez Marsilio Editori, elle écrit son premier livre en italien, un témoignage déchirant sur sa déportation à Auschwitz, à 12 ans, avec ses parents, ses deux frères et une de ses soeurs. Elle n'est revenue qu'avec son frère aîné et sa soeur.
Edith Bruck fait le récit de la vie quotidienne de sa famille, très pauvre, en butte à l'antisémitisme dans un petit village de Hongrie et de sa déportation en mai 1944. Brutalement séparée de sa mère en arrivant à Auschwitz lors de la sélection, elle a pu rester avec sa soeur Eliz et, ensemble, elles sont allées d'un camp nazi à l'autre jusqu'à leur libération à Bergen Belsen en avril 1945. Elle insiste ensuite sur les années de l'après Shoah où devenue orpheline à 13 ans, elle tente la difficile reconstruction de sa vie. Elle fait le choix d'un récit intime où elle raconte sa vie sentimentale chaotique, commencée beaucoup trop tôt, sans repères, à la recherche éperdue d'affection. Elle décrit son retour en Hongrie où personne ne l'attend, son errance en Europe, les camps de réfugiés installés par l'AJDC. Elle raconte ensuite son voyage puis son séjour en Israël où elle n'est pas restée. À la fin du récit, elle vient juste d'avoir vingt ans et a déjà divorcé trois fois.
Edith Bruck est encore méconnue en France. Un seul de ses livres a été récemment traduit en français avec une introduction de Philippe Mesnard : Signora Auschwitz, le don de la parole, Editions Kimé, 2015 En Italie, Edith Bruck est un auteur connu et reconnu.
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Dans Signora Auschwitz, livre de 93 pages (1ère édition : 1999), Edith Bruck fait le récit de sa vie de témoin de la Shoah. Elle raconte la douleur morale, mais aussi physique née des deux aspirations apparemment contradictoires de témoigner pour se libérer en rendant justice aux victimes innocentes et de ne plus parler d'Auschwitz pour tenter de revenir à une normalité pourtant définitivement perdue au camp. Le livre émaillé de lettres reçues de son auditoire est le fruit d'une dialectique douloureuse qui ronge l'écrivain et la pousse à s'interroger sur le pourquoi d'Auschwitz et sur la nature de l'antisémitisme.
Dans le livre, le récit de l'expérience du camp n'est jamais linéaire ; il affleure par fragments à travers la narration des témoignages. Tous les thèmes centraux liés à la difficulté de témoigner sont abordés dans une langue qui cherche à rendre compte de l'essentiel vécu : la perte irréparable des proches et du monde de l'enfance source de tourments et de forte nostalgie, l'indifférence, l'incrédulité des auditeurs, l'impossibilité de transmettre la réalité d'Auschwitz, le rôle et la place du témoin, sa difficulté à être dissocié de l'expérience du camp (Signora Auschwitz est le nom qu'une lycéenne a donné à Edith Bruck lors d'un de ses témoignages), l'incidence de la déportation d'une très jeune fille pour sa vie de femme. Ce livre d'une rare densité s'inscrit dans la liste des ouvrages indispensables de la littérature de la Shoah.
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Lettera alla madre (Lettre à la mère) Garzanti, 1988, est le troisième livre d'Edith Bruck traduit en français. Il forme avec les deux précédents, une sorte de trilogie sur la déportation. Toute l'oeuvre d'Edith Bruck est traversée par l'expérience d'Auschwitz, aussi bien la prose que les poèmes, mais ces trois récits sont plus particulièrement axés sur cette expérience insurmontable.
Qui t'aime ainsi, Kimé, 2016, est le récit de la vie d'Edith Bruck et de sa famille, avant, pendant et après la déportation à Auschwitz et dans d'autres camps.
Lettre à la mère, est une lettre qu'Edith Bruck écrit à sa mère assassinée à Auschwitz. C'est pour elle, le moyen d'évoquer son père et surtout de s'adresser à sa mère pour lui dire à la fois son amour sans limites mais aussi sa rage, fruit d'une éducation, ressentie comme oppressante, que cette mère a voulu lui donner. Une manière de s'affranchir pour pouvoir grandir, en disant tout, sans concession.
Certains passages relatifs à la féminité et la maternité sont caractéristiques de l'écriture des femmes survivantes des camps. Ils ne sont pas sans rappeler « la lettre » de Marceline Loridan-Ivens à son père, Et tu n'es pas revenu, où, comme Edith Bruck elle évoque le choix douloureux de ne pas avoir d'enfants après Auschwitz.
Cette Lettre à la mère d'Edith Bruck est d'une grande densité, une tentative de vivre et non pas de survivre après Auschwitz : De quoi aurais-je voulu te parler ? Je ne le savais pas. Et je ne le sais toujours pas, je n'ai rien programmé, ni le contenu, ni la fin, ni rien, j'avance à l'aveuglette, je te dis n'importe quoi pour te tenir en haleine jusqu'à la fin, qui viendra toute seule. Alors, je te laisserai aller, je te laisserai reposer en paix, et je serai moi aussi en paix avec toi et toi avec moi.
La figure de Primo Levi, l'ami et le confident, est présente dans Lettre à la mère comme dans toute l'oeuvre d'Edith Bruck. Elle rend hommage au grand écrivain dont le suicide l'a laissé désemparée à tout jamais.