Sciences humaines & sociales
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En étudiant le début de la Recherche du temps perdu, à partir du fameux incipit « Longtemps, je me suis couché de bonne heure » jusque « ... les positions successives que nous montre le kinétoscope », l'auteure tente de saisir pourquoi cette longue phrase complexe qui se plaît à nous égarer dans les dédales de « l'inexprimable » nous entraîne dans un univers qui ne nous paraît pas étranger.
L'analyse des temps utilisés permet de pénétrer plus finement le mouvement de l'esprit que Proust décrit par le menu au seuil de la Recherche, oeuvre qui ne peut être réduite, comme le fait Jankélévitch dans L'irréversible et la nostalgie (1974), au « passéisme » de son auteur. La démarche est à la fois plus complexe, plus décisive et plus heureuse.
En étudiant ces premiers paragraphes, on verra se dessiner les qualités singulières du Je narratif. Nous suivrons en détail le mouvement de l'esprit du récit, en évoquant d'autres passages importants de la Recherche.
On comprendra ainsi pour quelle raison cette oeuvre, dès ses premières lignes, nous saisit, car elle nous semble aussitôt accueillante et douillette. Nous nous sentons, dès les premiers mots, en domaine familier. Ce « Je » qui ouvre le premier volume ne nous éloigne pas par une sorte de fermeture égocentrique, mais au contraire ouvre à un instant transmis et partagé.
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Les deux exergues choisis, l'un extrait de La Bohème galante (1852) et l'autre d'Aurélia me permettent d'annoncer d'emblée ma perspective pour ce qui est de cette « étude de style » consacrée à un extrait de l'oeuvre majeure et très admirée de Gérard de Nerval Sylvie (Les Filles du Feu, 1854). Georges Poulet dans son « essai de mythologie romantique » sur cette nouvelle : « Sylvie ou la pensée de Nerval » affirme : « [...] - mais le temps, ici, n'existe plus. », nous montrerons qu'il faut nuancer cette affirmation. Dans son étude de cette même nouvelle, Pierre-Georges Castex parle d'un « cycle du Valois » et remarque : « Le retour vers le passé manifeste une réaction instinctive contre le danger dont il se sent menacé. » Il s'agirait, pour Nerval, dans ce retour aux sources, de renouer avec une certaine continuité de sa vie. Déjà, dans Les Faux Saulniers (1850), oeuvre princeps pour ainsi dire, Nerval associe le « voyage à Cythère de Watteau » avec « ces étangs créés par les débordements de l'Oise et de l'Aisne » et, s'adressant directement au lecteur, indique quelle est la haute valeur pour lui de ce pays des souvenirs. En somme, cette terre du Valois joue à peu près le rôle de la forêt d'Ardennes chez Shakespeare : au pays de l'origine, du rêve et de l'esprit (des esprits aussi), l'imagination poétique résout les questions que les imperfections de la civilisation soulèvent et enveniment, et la société humaine retrouve une vigueur première et véridique.
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La figure de Jacob est une figure de l'être aux prises avec le réel. Ses pérégrinations et sa lutte avec l'inconnu revêtent un intérêt philosophique essentiel, car il s'agit du sujet tel qu'il se manifeste dans l'acte de se « choisir » lui-même, selon le terme de Kierkegaard.
Son étreinte avec l'autre est une greffe de l'instant sur l'éternité.
Après une étude des versets bibliques consacrés au personnage de Jacob et des commentaires ultérieurs, Anne Mounic examine les références à Jacob dans la littérature et tente de cerner la valeur poétique et philosophique du modèle.
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Des infinies métamorphoses de la figure animale dans l'art et la littérature ; ous la toison fondante, si douce à imaginer...
Anne Mounic
- Honore Champion
- Bibliotheque De Litterature Generale Et Comparee
- 3 Décembre 2020
- 9782745354891
S'intéresser à l'animal, nous le verrons à travers ces quelques études que je propose, c'est initier un questionnement sur l'humain, sur sa place dans l'univers comme créature vivante parmi d'autres, mais bénéficiant d'un statut à part. C'est aussi s'interroger sur la vie dans son mystère qui, en dépit des progrès de la science, dans son principe nous échappe et, surtout, sans cesse outrepasse les limites de notre conscience. Que nous acceptions de nous y ressourcer, et nous puisons dans ce qui est puissance de l'origine en nous, un nouveau souffle, une énergie capable de transcender ce que Romain Gary appelait « l'infirmité » de notre condition. Comme âme vivante, ainsi que le veut la racine latine du mot animal, l'animal nous fait face comme altérité. C'est un regard qui ne peut communiquer avec nous par la parole. Nous ne détenons dès lors nul accès à son intériorité. Nous ignorons même comment il voit le monde. « Il le sent en 'chevreuil', le paysage doit donc être 'chevreuil'», écrit Franz Marc à l'hiver 1911-1912. L'« animalisation de l'art » échappe à la dualité mimétique ; il ne s'agit pas de représenter un objet, mais de participer de son élan de vie.
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LA PAROLE OBSCURE : Recours au mythe et défi de l'interprétation dans l'œuvre de Michel Fardoulis-Lagrange
Anne Mounic
- L'Harmattan
- 1 Novembre 2003
- 9782747518949
Chez Michel Fardoulis-Lagrange (1910-1994), poète d'expression française né au sein de la communauté grecque du Caire, l'oeuvre est l'homme. Il cherche le mythe par delà la singularité héroïque, dans les catégories pures, dans le rythme du jour et de la nuit du plein et du vide, de la présence et de l'absence en une " dialectique du verbe et du silence ".
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LES TRIBULATIONS DE PERSEPHONE : POÉSIE, AUTRE, AU-DELA - Kathleen Raine, Stevie Smith, Veronica Forrest-Thomson
Anne Mounic
- L'Harmattan
- 1 Novembre 2003
- 9782747528016
Le poète naît dans le regard de l'autre, comme l'expriment, chacune de façon contrastée, Kathleen Raine, Stevie Smith, Veronica Forrest-Thomson. Le visage de l'autre est transcendance. Chez ces trois femmes, aussi dissemblables soient-elles en leur oeuvre, la poésie s'entend comme passage ver l'au-delà, défini comme le monde des morts, des rêves, ou l'unité de l'esprit, chez Kathleen Raine. On trouve aussi chez Stevie Smith, cette nostalgie de la plénitude, l'imagination de la mort se faisant délivrance de l'hostilité du réel. Hermès est alors le serviteur du poète, cette Perséphone qui se situe à la lisière du fini et de l'infini. Quand à Veronica Forrest-Thomson, elle entreprend une tentative désespérée de justification de la poésie et du poète par une théorisation de l'impossible lien au réel.
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Psyche et le secret de persephone - katherine mansfield, catherine pozzi, anna kavan, djuna barn
Anne Mounic
- L'Harmattan
- 2 Octobre 2004
- 9782747570503
L'auteur étudie dans cet ouvrage à travers quatre écrivains et poètes, Katherine Mansfield, Catherine Pozzi, Anna Kavan et Djuna Barnes les qualités de leur prose poétique dont elle montre comme elle se fonde sur réminiscence et imagination et échappe à toute forme de fixité. Le récit établit un lien au monde et à autrui en sa propre dimension temporelle, recréation, au présent, de l'unité de l'être, le sentiment parvenant, de façon semblable à ce que décrit Spinoza, à la conscience claire.
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Italie du récit, terre de ses métamorphoses
Anne Mounic
- Classiques Garnier
- Perspectives Comparatistes
- 24 Juillet 2019
- 9782406080275
Le paysage italien est modelé par le temps. Le point commun à toutes les oeuvres envisagées (de Stendhal à Giorgio Bassani, et bien d'autres), c'est cette imbrication de la terre italienne et du récit. On parle de descente en soi, révélant, sur l'infini de l'épopée humaine, un profil existentiel singulier.
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La tentation du tragique
Anne Mounic
- Honore Champion
- Bibliotheque De Litterature Generale Et Comparee
- 11 Mai 2023
- 9782745358998
Ce livre se propose d'analyser le tragique à partir d'oeuvres caractéristiques, d'envisager les conséquences d'un acquiescement, même irréfléchi, à cette vision du monde, puis de se tourner vers l'audace et l'affirmation, malgré tout, de la liberté, en montrant comment l'oeuvre qui recueille le tragique entreprend de mettre au monde l'humain, au lieu de l'anéantir, dans ses complexités, ses douleurs et ses joies, ses profondeurs de silence et de nuit. Ce mystère est à exprimer à nouveau à chaque oeuvre ; par quoi, le dépassement de l'acquiescement au tragique est une manière de retrouver une affirmation vitale.
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Force, parole, liberté ; rupture tragique ou continuité du récit
Mounic Anne
- Honore Champion
- Bibliotheque De Litterature Generale Et Comparee
- 29 Mars 2018
- 9782745347749
Dans un de ses romans, l'écrivain anglais E.M. Forster recommande de ne pas « acquiescer à la tragédie », c'est-à-dire de ne pas s'accommoder de la douleur au nom de la nécessité. L'auteur de Force, parole, liberté oppose la rupture tragique à la continuité du récit et montre que ces deux points de vue se déduisent d'une conception radicalement opposée du temps. Si la tragédie met en scène rituellement le sacrifice de l'individu afin de restaurer la cohérence collective, transcendant la mortalité singulière en créant une éternité fixe de la souveraineté, l'utopie du récit transmet au singulier un lieu de nulle part en incessante métamorphose. Le tragique revient sur le passé en quête de signes afin de résoudre la crise du moment présent. Le récit projette passé et présent dans son propre au-delà, celui du sujet étreignant le devenir afin de le modeler. Cette manifestation de la force subjective dans la parole fonde la liberté. Goethe parlait, dans le Premier Faust, de la « force de l'homme, par le poète révélée ».