Un livre captivant... Les Mongols étaient un peuple sophistiqué, doté d'une maîtrise impressionnante de l'art de gouverner et capable d'instaurer un rapport plein de sensibilité avec le monde naturel... Voilà un livre remarquablement documenté et intelligemment pensé.
The Times Les conquêtes initiées par Gengis Khan au XIIIe siècle permirent aux Mongols d'intégrer à leur empire le monde qui les entourait. Ce livre se concentre sur la Horde : un modèle social et économique inédit qui allait s'imposer et évoluer durant trois siècles pour unifier sous son égide un espace divisé aujourd'hui entre le Kazakhstan, l'Ukraine, la Russie et l'Europe de l'Est. Dans cet espace, le peuple des steppes créa des institutions qui transformèrent les rapports de force entre les hiérarchies locales et stimulèrent l'essor des villes. Ils oeuvrèrent à l'épanouissement de l'économie et, grâce à leur diplomatie orientée vers le commerce, leur influence s'étendit le long des routes du nord bien au-delà de ses frontières. Leurs khans dominèrent les princes russes et les begs turcs, résistèrent à la grande peste et s'adaptèrent à la géopolitique mouvante du XVe siècle. Ce grand livre met en lumière le rôle historique des nomades longtemps réduit au cliché de l'envahisseur pillant les richesses et saccageant les récoltes. En rupture avec la vision conventionnelle de l'Empire mongol, l'auteur montre que la Horde sut mettre en place une administration mobile et sophistiquée, capable de faire cohabiter les communautés religieuses dans leur diversité. Les Mongols remodelèrent en profondeur l'espace slave, contribuèrent à l'épanouissement de l'Islam et forgèrent de nouvelles alliances avec les Mamluks, les Lituaniens, les Polonais, les Italiens et les Allemands. Ils sont à l'origine de l'une des premières mondialisations. Une fresque d'envergure portée de bout en bout par une plume fluide.
Prix des libraires Payot Essai 2023 Les Mongols ont été desservis par l'Histoire, victimes d'un mélange malheureux de préjugés et de perplexités... Si la Horde a pu prospérer, selon l'histoire-récit neuve et convaincante que nous en propose Marie Favereau, c'est précisément parce qu'elle n'avait rien de la meute monomaniaque et meurtrière de la légende.
The Wall Street Journal.
Prix des libraires Payot Essai 2023
La démocratie est aujourd'hui une aspiration pour des centaines de millions de personnes, comme elle est un droit de naissance pour des millions d'autres à travers le monde. Mais de quelle démocratie parlons-nous ? Sa signification est-elle inchangée depuis sa création dans la Grèce antique ?
Examinant ses différentes manifestations et montrant comment la démocratie a changé au cours de sa longue vie, depuis les temps anciens jusqu'à nos jours, Paul Carteldge offre une réflexion d'une fécondité exceptionnelle. Comment le « pouvoir du peuple » des Athéniens a-t-il émergé en premier lieu ? Et en quoi la version athénienne de la démocratie différait-elle des nombreuses autres formes qui se sont développées ensuite ? Après un âge d'or au IVe siècle av. J.-C., il y a eu une longue et lente dégradation de la conception et de la pratique grecques originales de la démocratie. De l'Antiquité tardive à la Renaissance, la démocratie a été éclipsée par d'autres formes de gouvernement, tant en théorie qu'en pratique. Mais ce n'était en aucun cas la fin de l'histoire : la démocratie devait finalement connaître une nouvelle floraison. D'abord ravivée dans l'Angleterre du XVIIe siècle, elle devait renaître dans le climat révolutionnaire de l'Amérique du Nord et de la France à la fin du XVIIIe siècle - et n'a cessé de se reconstituer et de se réinventer depuis, jusqu'à la contradiction la plus récente de la « démocratie illibérale ».
Il y avait eu la guerre de Cent Ans et la guerre de Trente Ans et la guerre de Sept Ans. Il y avait eu les guerres de Religion, celles de Louis XIV et celles de la Révolution. Mais, après 1815, un moment insolite avait commencé pour l'Europe : une paix de cent ans. Des guerres de la Révolution et de l'Empire à la Première Guerre mondiale, il y eut bien quelques batailles - Sébastopol, Solferino, Sadowa, Sedan -, mais rien qui n'égalât ce qui se passait en d'autres lieux du monde, de la guerre de Sécession aux États-Unis à cette révolte des Taiping qui fit en Chine peut-être vingt millions de morts. Pendant un siècle, la plupart des hommes et des femmes qui vécurent sur le sol de l'Europe ne connurent pas la guerre. Le XIX? siècle à leurs yeux passait pour un siècle de paix.Pour les historiens, il est devenu pourtant difficile de le considérer comme tel. Les guerres étaient lointaines, mais elles étaient bien là. Les Espagnols en Amérique du Sud, au Maroc, à Cuba, aux Philippines ; les Hollandais en Indonésie ; les Britanniques aux Indes, en Afghanistan, en Birmanie, en Afrique du Sud, en Chine, en Nouvelle-Zélande, sur les côtes occidentales de l'Afrique, dans le golfe Arabo-Persique, en Abyssinie, en Égypte, au Soudan ; les Français en Algérie, en Afrique de l'Ouest, au Mexique, en Indochine, en Tunisie, à Madagascar, au Maroc ; les Portugais en Angola et au Mozambique ; les Allemands au Togo, au Cameroun, dans le Sud-Ouest africain, au Tanganyika ; les Italiens dans la corne de l'Afrique et en Tripolitaine.Ces guerres lointaines d'une Europe en paix donnèrent lieu, dès leur époque, à de très vifs débats. L'avènement des journaux quotidiens, l'apparition des correspondants de guerre, la mise en place du réseau télégraphique, l'invention de l'illustration et de la photographie, le triomphe du roman, l'immense succès du théâtre et des expositions universelles bouleversèrent leurs représentations. Elles ont fait de nous, bien avant les guerres mondiales du XX? siècle, les spectateurs fascinés et velléitaires des souffrances des autres.
Au début du XIXe siècle, on « avait » la nostalgie comme on avait le typhus, et on en mourait souvent. Ce livre raconte l'histoire de cette émotion mortelle, depuis le premier diagnostic posé par un étudiant en médecine de Mulhouse le 22 juin 1688 jusqu'à sa disparition à la fin de la Belle Époque.
Si la nostalgie n'est plus ce qu'elle était, encore faudrait-il savoir ce qu'elle fut : désignée comme, littéralement, « mal du pays », brûlant désir de rentrer chez soi, la nostalgie touchait surtout les soldats, les colons, les esclaves ou les travailleurs migrants, tous expatriés à mesure que le monde s'élargissait, avec la conquête de nouveaux continents, les guerres impériales et l'expansion coloniale. Elle y fit parfois plus de morts que la violence des combats.
S'appuyant autant sur l'histoire de la médecine et de la psychiatrie, que sur les témoignages des conscrits napoléoniens ou les études sur la « nostalgie africaine » des colons français en Algérie, Thomas Dodman donne une profondeur historique à ce qui est aujourd'hui un sentiment bénin inhérent à l'espèce humaine. Effectivement, la nostalgie n'est plus ce qu'elle était, et sa transformation est aussi la question de l'historien : Pourquoi cesse-t-elle d'être une maladie ? Comment cette pathologie de l'espace est-elle devenue, au tournant du XXe siècle, recherche du temps perdu ? L'enquête ouvre alors des pistes pour comprendre les inquiétudes que suscitent la modernité, le cosmopolitisme et l'émergence d'un capitalisme bientôt triomphant.
C'est un nouveau regard sur la sortie des guerres de Religion que ce livre propose : au lieu de redire les hauts faits d'Henri IV, comme maintes biographies les répètent à l'identique, il fait ressortir la grande incertitude liée à l'avènement d'un protestant pour révéler les mécanismes qui ont permis à la monarchie de se réinventer au moment où elle fut confrontée à une crise sans précédent. Ainsi, par le biais des acteurs de l'ombre, des hommes d'Église aux côtés d'Henri, il est possible de se détacher de la figure figée du roi vainqueur, et de redonner leur dimension problématique à des événements comme le sacre royal. L'étude du travail de légitimation du premier Bourbon permet alors d'appréhender la monarchie en tant qu'oeuvre collective d'acteurs travaillant à assurer sa survie.
Pourquoi choisit-on un médecin plutôt qu'un autre ? Face à la maladie, le patient, vulnérable, a toujours dû s'en remettre à une autorité, dans un rapport qui n'a rien d'anodin : de ces savants, il attend parfois la survie. Or, du Moyen Âge à nos jours, les soignants ont connu de nombreux avatars. Le guérisseur a cédé la place au praticien diplômé. L'hôpital, aujourd'hui en crise, joue depuis longtemps un rôle de dernier recours pour les déclassés. Le pharmacien a pour ancêtre l'apothicaire, marchand prompt à l'escroquerie. La téléconsultation a un précédent oublié dans la médecine épistolaire médiévale...
Pour la première fois, un ouvrage réunissant les meilleurs spécialistes interroge l'évolution de la relation de soins, éclairant d'un jour inattendu les bouleversements actuels.
Au XIXe siècle, la France s'est lancée dans la colonisation de pays entiers en Afrique et en Asie. Quelles ont été les motivations et les méthodes de cette politique ? Comment les sociétés dominées ont-elles été bouleversées, et quel développement économique et social ont-elles connu ? La décolonisation est-elle achevée aujourd'hui ? Un Empire bon marché propose de nouvelles réponses à ces questions controversées.
Grâce à un long travail d'archives et d'analyse statistique, l'ouvrage décrit ainsi avec une grande précision les États coloniaux et leur fonctionnement - à travers notamment la fiscalité, le recrutement militaire, les flux de capitaux et les inégalités. Il montre que l'empire a peu coûté à la métropole jusqu'aux guerres d'indépendance, et que les capitaux français n'ont pas ruisselé vers les colonies. La « mission civilisatrice » que la République française s'était assignée n'a donc pas débouché sur le développement des pays occupés, et c'est plutôt un régime à la fois violent et ambigu qui s'y est établi. De fait, le régime colonial a surtout bénéficié à une petite minorité de colons et de capitalistes français. Quant aux élites nationalistes, elles ont le plus souvent reconduit un État autoritaire et inégalitaire après les indépendances. En s'attachant à l'évolution des sociétés colonisées et à leur devenir, Denis Cogneau fournit une contribution majeure et un nouvel éclairage sur l'impérialisme, d'hier à aujourd'hui.
De la Révolution française et du Premier Empire, on retient des batailles et des victoires. La France se serait agrandie grâce à ses succès militaires. Jusqu'à constituer, sous Napoléon, un Empire de près de 130 départements. Et si, loin d'être un phénomène guerrier, l'Empire était un phénomène politique et bien souvent pacifique ? C'est la thèse détonante d'Aurélien Lignereux qui rappelle dans ce livre que, contrairement à une idée reçue, le gain de territoires ne provenait pas des conquêtes, en soi insuffisantes, mais d'un processus administratif et politique lourd et complexe : la « réunion ». Autrement dit : il ne suffisait pas de gagner des guerres pour gagner de nouvelles régions. On découvrira avec stupéfaction la complexité des arguments avancés pour opérer le rattachement d'une population à la France. Laquelle charrient des phénomènes jamais identifiés : la francisation de tout un pan de l'Europe et la réciprocité de l'impérialisme puisque la France elle-même change lorsque des Piémontais ou des Hollandais sont nommés préfets à Bourg ou à Nantes ! Si le phénomène impérial a existé, il était bien moins militaire que politique. Napoléon déchu, des centaines de Belges, de Rhénans ou de Génois voudront, par exemple, redevenir les Français qu'ils avaient été sous la République et l'Empire. Un livre magistral d'intelligence, qui renouvelle en profondeur l'état des connaissances relativement aux guerres de la Révolution et de l'Empire.
Sophis, Safavides, Séfévides... Si les noms qui désignent cette dynastie sont nombreux, ce qu'elle accomplit est unique : entre 1501 et 1722, elle fait vivre à l'Iran l'âge d'or de son histoire.
Après une période médiévale qui voit de nombreux empires éphémères régner sur une zone mal définie, les neuf Shahs qui se succèdent à la tête de la Perse pendant deux siècles parviennent à mettre en place un pouvoir fort et centralisé, à fédérer un territoire composite, à stabiliser les frontières face aux forces étrangères - essentiellement ottomanes et ouzbèques -, à redéfinir juridiquement les rapports entre les pouvoirs internes et, enfin, à imposer le chiisme comme religion d'État. Cet apogée est en grande partie dû au plus illustre des souverains de cette lignée, le grand Abbas Ier (1587-1629). Réformateur, administrateur, conquérant, il est également visionnaire : en choisissant de déplacer la capitale à Ispahan, il sait qu'il va faire de son empire une puissance importante sur le plan international. Et en effet, cette « moitié du monde » ouvre le pays aux échanges politiques, diplomatiques, commerciaux, religieux et artistiques. Alors quelles faiblesses précipitent la chute de la dynastie sous les assauts afghans au XVIIIe siècle ?
S'appuyant sur de nombreux récits iraniens et occidentaux, Yves Bomati nous fait revivre deux cents ans d'histoire méconnue. Romanesque mais en rien romancée, cette synthèse retrace toute l'épopée des grands Sophis, l'héritage durable qu'ils ont laissé en Iran et leur imprévisible chute.
La révélation de scandales liés aux stupéfiants alimente régulièrement l'actualité moyen-orientale. Mais sait-on que l'addiction de masse qui frappe l'Iran moderne trouve sa source dans une dépendance à l'opium diffusée depuis un demi-millénaire au sein de la société persane ? Que la position hégémonique sur le marché de l'héroïne qu'occupe aujourd'hui l'Afghanistan se fonde sur le choix d'un souverain modernisateur de développer, au début du siècle dernier, la culture du pavot ? Que le régime Assad, bien avant de devenir le principal producteur mondial de captagon, a longtemps joué un rôle névralgique dans les réseaux mondiaux d'héroïne, à partir des raffineries installées sous son contrôle au Liban ?
Au-delà de la mise en perspective d'une actualité brûlante, et loin des clichés culturalistes, l'ambition de ce livre est de remonter la trame historique du Moyen-Orient sous l'angle de la production et de la consommation des stupéfiants. Un fascinant voyage à travers les siècles, de l'Antiquité jusqu'à l'époque contemporaine, en passant par les Abbassides et les Mamelouks, l'empire ottoman, ou encore l'expédition d'Egypte, avec pour guide l'un des meilleurs spécialistes de la région.
Une histoire de pouvoir et de société qui confirme, sur la longue durée, que « plus la répression est dure et plus les drogues le sont ». Une leçon à méditer.
"« On taxe tout, hormis l'air que nous respirons » assurait la marquise du Deffand. Dans ce livre unique et inédit en son genre, Éric Anceau et Jean-Luc Bordron racontent l'histoire universelle et millénaire de l'impôt depuis 5 000 ans, de son adhésion à sa résistance. De la civilisation de Sumer et de l'Égypte pharaonique aux paradis fiscaux contemporains en passant par la Chine impériale, la France de Louis XIV et de Napoléon, et l'Amérique de la prohibition. En mêlant grande et petite histoire, récit grandiose et anecdotes savoureuses, les auteurs parviennent à dessiner une fresque aussi passionnante que divertissante d'un sujet austère et pourtant omniprésent. Sait-on, par exemple, que pour occidentaliser la Russie, Pierre le Grand voulait contraindre ses sujets à ne plus porter de barbes en créant un impôt sur la pilosité ? Sait-on, encore, que les guinguettes se trouvaient aux abords des villes pour échapper à la taxation ? Plus surprenant encore, sait-on, enfin, que les membres du groupe ABBA portaient des tenues excentriques parce qu'une loi suédoise permettait une réduction d'impôts sur les vêtements à condition de ne pas pouvoir les porter dans la vie de tous les jours ?
Ni manuel fiscal, ni guide du contribuable, ni objet polémique, cet ouvrage explique par une approche claire et plaisante l'impôt, pourquoi il existe, pourquoi on y résiste, pourquoi il est si présent dans nos sociétés. Un livre attendu."
Des orgies légendaires organisées par Néron aux ébats publics d'Absalom avec les dix épouses de son père, en passant par l'insatiable libido de Théodora que peine à combler son harem d'esclaves ou bien l'étrange statue réalisée par Dédale pour permettre à Pasiphaé de s'unir à un taureau, la Bible comme les textes grecs et latins regorgent d'histoires plus obscènes les unes que les autres. Mais si leurs auteurs inventent et décrivent le vice sous toutes ses coutures, c'est pour mieux imposer une définition de la vertu au service d'intérêts résolument patriarcaux, qui dominent encore aujourd'hui nos sociétés.
De la prostitution à l'onanisme, Christian-Georges Schwentzel décrypte les méandres de l'imaginaire sexuel de nos ancêtres et ses ressorts éminemment politiques.
Ce livre est l'accomplissement d'une réflexion engagée depuis une dizaine d'années sur les effets du changement climatique:changement de la discipline historique elle-même, du rapport de l'homme au temps et au monde, et finalement de la condition humaine.Chakrabarty a bien compris que le «global» (autrement dit ce que nous appelons «mondial») de la mondialisation et le «global» du changement climatique ne sont pas des notions homogènes. Rendre compte du second suppose une approche nouvelle et particulière:rien de moins que l'élaboration d'une anthropologie philosophique.Le problème est que, dès les Temps modernes, nous avons appris à distinguer deux ordres de globalité:le premier relève du temps régi par l'histoire, le deuxième du temps réglé par la nature. Or, nous avons compris depuis une vingtaine d'années que le temps humain agissait sur le temps naturel. Nous savons notamment que notre action sur la Terre a déjà modifié le climat pour peut-être cent mille ans. C'est ce que l'on a nommé «l'Anthropocène», et que Chakrabarty appelle «l'entrée dans l'âge planétaire».La difficulté est évidente:nous avons affaire à deux échelles de temps radicalement différentes et qui pourtant, à partir de maintenant, s'entremêlent.L'auteur ne propose pas de solution toute faite; il se contente d'éclairer la question. En bon humaniste, il ne peut que souhaiter en conclusion qu'Homo sapiens se transforme en Homo prudens.
Ce livre est une histoire de l'Ukraine, du territoire et des hommes qui l'habitent, depuis Hérodote jusqu'à Zelensky. Racontée avec brio à travers une suite d'événements et de portraits des protagonistes insérée dans l'histoire politique, économique et militaire de l'Europe et dans celle de la chrétienté ; les deux présentées dans leurs grandes lignes mais sans simplifications excessives. La moitié du livre traite de la période antérieure à la Première Guerre mondiale, ce qui laisse assez de place pour une histoire plus détaillée de l'époque contemporaine.L'ambition de l'auteur vise toutefois un objectif plus difficile à atteindre que celui de simplement raconter à ses lecteurs l'histoire d'un pays souvent mal connu. Il essaie de leur faire comprendre toute la complexité de la situation de l'Ukraine en dévoilant ses racines historiques. Il y réussit pleinement en montrant comment un ensemble humain traversé par des frontières écologiques, religieuses, linguistiques, politiques, et dont les composantes ont vécu des passés fort différents, construit une identité commune, devient une nation et se donne un État.Serhii Plokhy évite toute apologie, ne cache pas les faces sombres du mouvement national ukrainien et les énormes difficultés d'apprentissage de l'indépendance face à un voisin, la Russie, puissant et hostile.Cette histoire de l'Ukraine est aussi celle de la Russie, l'une n'étant pas intelligible sans l'autre. À ce titre, elle est une excellente introduction à la compréhension du conflit actuel.
« Chacun tient le seigneur Jean pour un chef plein d'audace et d'impétuosité, aux vastes conceptions, capable des plus grands partis. » Ainsi Machiavel contribuait-il à installer le mythe d'un Jean de Médicis (1498-1526), capitaine d'Italie, sauveur de la péninsule, premier homme d'armes italien.
Les condottières ont fasciné leurs contemporains comme les générations qui les suivirent pour des raisons souvent paradoxales : au service des cités-États ou des principautés avec lesquelles ils signaient un contrat (une condotta), ces chefs militaires entretenaient des compagnies de mercenaires et étaient à la fois loués pour leurs qualités militaires et craints pour les risques qu'ils pouvaient faire courir aux États. Jean de Médicis fut le plus puissant d'entre eux. Il ne vécut que vingt-huit ans, même si Jean des Bandes Noires eut une existence bien plus longue grâce à la force de son mythe. Voici son histoire et celle de sa légende, une vie fait de guerre et de politique en pleine Italie de la Renaissance.
Entre mi-mai et début juillet 1944, des centaines de milliers de Juifs de Hongrie sont déportés à Auschwitz-Birkenau. Pour montrer à leur hiérarchie la « bonne mise en oeuvre » de cette opération logistique d'envergure, des SS photographient les étapes qui mènent de l'arrivée des convois jusqu'au seuil des chambres à gaz, ou au camp pour la minorité qui échappa à la mort immédiate. Ces photographies, connues sous le nom d'« Album d'Auschwitz », ont été retrouvées par une rescapée, Lili Jacob, à la libération des camps, avant de servir de preuves dans différents procès et de faire l'objet de plusieurs éditions. Certaines de ces photographies sont même devenues iconiques. Par-delà l'horreur dont elles témoignent, ces images restent pourtant méconnues et difficiles d'interprétation. Ce livre permet d'y jeter un regard neuf. Préfacé par Serge Klarsfeld, fruit de cinq années de recherches franco-allemandes, il analyse l'album dans ses multiples dimensions. Pour quelle raison a-t-il été réalisé et quand ? Comment a-t-il été constitué ? Que peut-on voir, ou ne pas voir, sur ces photographies ? Trois historiens reconnus et spécialistes de la persécution des Juifs d'Europe, Tal Bruttmann, Stefan Hördler, Christoph Kreutzmüller, ont mené un remarquable travail d'enquête, recomposant les séries de photographies, analysant des détails passés inaperçus, permettant un travail d'identification et de chronologie inédit. Dans le même temps, c'est une véritable réflexion sur l'usage des images et de la photographie, de leur violence potentielle mais aussi de leur force de témoignage et de preuve que les historiens proposent. Ce faisant, ils élargissent la connaissance tout en redonnant vie, mouvement et dignité aux personnes photographiées quelques minutes avant une mort dont elles n'avaient pas idée.
De toutes les années de l'épopée napoléonienne, 1813 est une de celles qui ont le moins retenu l'attention des historiens, la bataille de Leipzig en octobre demeurant seule dans la mémoire collective. Cet affrontement titanesque où l'Empereur fut battu par une gigantesque coalition levée contre lui venait pourtant à la suite de longs mois de combats incertains et d'innombrables pourparlers. Malgré le désastre de la campagne de Russie, Napoléon avait tout fait pour préserver ses conquêtes, refusant de voir que ses alliés conspiraient contre lui. Outre l'Angleterre, la Russie et la Suède, la Prusse, l'Autriche, puis finalement tous les États souverains de l'Allemagne tournèrent le dos au conquérant, le grand Empire se réduisant comme peau de chagrin. Or, ce tableau d'une Europe excédée fait écho à celui d'une France harassée, déjà prête à tourner la page.
À l'aide d'archives inédites, Charles-Éloi Vial revient notamment sur les premiers mois durant lesquels Napoléon parvient à reconstituer son armée et remporter sa dernière campagne. Conjuguant histoire politique et militaire, il raconte et analyse également l'action oubliée des diplomates, qui tentèrent de sauver l'édifice de la ruine, au cours de négociations serrées dans les différentes capitales européennes et lors d'un congrès de paix de la dernière chance organisé à Prague. Le fameux entretien de plusieurs heures entre Napoléon et Metternich au palais Marcolini, qui scelle le sort du premier Empire, est ici raconté avec une rare maestria. Vient enfin le temps de la triste campagne d'automne, de la défaite et de la consommation de la trahison des anciens vassaux.
Cet ouvrage novateur révèle la fragilité de l'oeuvre napoléonienne et découvre la naissance de l'Europe contemporaine.
Angkor fascine : ce nom évoque une ville superbe aux temples impressionnants, enfouie au coeur d'une forêt dense, impénétrable, dévorée par la sylve et révélée à l'Occident au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. De nombreuses capitales se sont succédé là du ixe au xiiie siècle. OEuvres royales par excellence, intrinsèquement liées à l'exercice du pouvoir, elles illustrent le prestige des souverains, artisans de la grandeur de l'empire khmer.
Mais ces vestiges majestueux revêtus de leur gangue végétale, ornés des délicates sculptures des apsaras, gardiennes hiératiques des sanctuaires, conservent une grande part de leur mystère. Que sait-on de leurs bâtisseurs, rois et dignitaires, et de la vie qu'ils menaient dans les villes et les habitations édifiées autour de ces temples ? Comment se déroulaient les journées du roi ? Nous ignorons beaucoup de ses obligations, de ses divertissements. À quoi ressemblaient son palais, les objets du quotidien, les détails ordinaires de la vie courante ?
Autant de questions auxquelles cet ouvrage apporte des réponses documentées au terme d'une longue et minutieuse enquête au cours de laquelle l'auteur a scruté les bas-reliefs, décortiqué les inscriptions et interrogé les monuments et les statues. Le roi, ses proches et son peuple reprennent vie et retrouvent désormais leur place à Angkor dans leur environnement familier.
Écrire un ouvrage sur Pythagore et le pythagorisme représente un parcours complexe et parsemée d'embûches. L'historiographie n'a cessé de revenir sur la figure énigmatique du sage samien en abordant des sources souvent tardives et difficiles à interpréter, tentant de donner corps à son enseignement tout en reconstituant ce qu'avait pu être sa vie et celle de ses successeurs. Deux siècles plus tard, il est évident pour n'importe quel chercheur que Pythagore est un personnage réel, mais souvent guère plus ; l'hypercritique résume parfois ce que nous croyons savoir du maître de Crotone à un faux portrait sculpté et poli par les témoignages des auteurs antiques, en particulier ceux postérieurs à Platon. Pourtant, quiconque se penche sur les témoignages, certes très maigres pour les plus anciens, peut tirer de la gangue de légendes et de réinterprétations un noyau authentique.C'est cette tâche complexe, mais exaltante, qu'a entreprise Christoph Riedweg il y a une vingtaine d'années.
Été 1914. L'attentat de Sarajevo met un coup d'arrêt brutal aux flamboyantes mondanités de la Belle Époque. Déchirées par les séparations qu'occasionne la mobilisation, ouvrant pour certaines leurs châteaux aux blessés militaires et aux réfugiés, poussées parfois sur les routes par l'avancée allemande, baronnes, marquises, duchesses, princesses, comtesses et vicomtesses ne sont pas toutes épargnées par les pillages et les bombardements. En l'absence des hommes, il leur faut aussi assumer la gestion des patrimoines et entretenir les réseaux d'influence.
Si d'aucunes trouvent espérance et consolation dans leur foi et leur patriotisme, nombre d'entre elles tiennent le « front intérieur » et, en sus de soutenir leurs proches enrégimentés, s'engagent auprès des soldats et des victimes civiles, au sein de la Croix-Rouge ou au travers d'oeuvres de guerre, tandis que d'autres résistent à l'occupant en zone envahie.
Pour la plupart, l'essentiel reste néanmoins de maintenir leur rang, fragilisé par une hécatombe qui a décimé leurs fils et époux, mené certaines au bord de la ruine et conduit d'autres à la mésalliance.
Fort d'une immense masse d'archives (correspondances, journaux intimes, chroniques mondaines...), Bertrand Goujon retrace des trajectoires individuelles et collectives au sein d'un groupe social jusqu'à présent négligé, apportant une contribution essentielle à l'histoire des femmes dans la Grande Guerre.